J135 : un cadavre au bord de la Panam…

Lundi 6 juin 2011

J’ai passé une nuit affreuse, malade à crever, l’avantage c’est que même pas peur… Le matin je suis encore toute raplapla, j’ai de la fièvre et de la diarrhée, je temporise pour me faire transporter à l’hôpital et reste dans mon duvet dans ma tente. La pluie de la nuit et du matin feront place à un beau soleil qui me cuira l’après-midi.

J’ai le droit à deux visites et quelques klaxons.

Première visite un homme qui ressemble plus à un touriste qu’un autochtone, il me dit qu’il a vu la tente depuis deux jours, que je suis très imprudente, que je suis au bord de la Panam, je lui explique mon problème, il me dit que je n’ai qu’à prendre le bus mais il ne s’inquiète pas de savoir si j’ai ce qu’il me faut, je manque notamment d’eau et me rationne, ce qui n’est pas très malin quand on est fébrile. Puis il y aura Monsieur, Madame et Petit Caniche, eux ce sont des curieux, ils me disent que je devrais voir un médecin mais eux-aussi me laissent crever de soif. Deux fois une voiture me klaxonnera, je n’ai pas le temps de sortir de la tente qu’ils sont repartis. Je me suis enfin endormie dans l’après-midi quand un camion me réveillera à grands coups de klaxon…Je ne peux rien manger, réduis mes boissons pour tenir encore le lendemain.

Comme je vais un peu mieux je passe une nuit morte de trouille et à chaque fois que j’entends un véhicule ralentir j’ai la frontale (éteinte mais prête à allumer sur le front et l’opinel  ouvert cran d’arrêt mis dans les deux mains vu que la main droite (merci les médecins de l’hôpital) écrabouillée ne peut tenir fermement un couteau, d’ailleurs si attaque il y avait eu je me demande comment j’aurais fait pour appuyer sur le bouton de ma frontale tout en maintenant l’opinel des deux mains… J’en suis presque à regretter de n’être plus mourante, parce que mourante on pouvait m’assassiner, j’en avais rien à faire…

A 6 heures 15 du matin on me reklaxonne, j’ai le temps de sortir ma tête de la tente, je suppose que ce sont les mêmes qui m’ont klaxonnée hier, je réexplique mon problème et dis que je me sens mieux, que je vais partir ce matin mais que j’attends qu’il ne pleuve plus, oui parce que bien sûr il pleut… Eux non plus ne vont s’enquérir de savoir si je manque de quelque chose… Heureusement que je vais rencontrer d’autres équatoriens qui m’aideront, sinon mon idée sur les équatoriens n’est pas très très bonne. Depuis j’ai discuté avec certains, les indigènes, les métis et les purs sang (espagnols) se tolèrent mais ça ne va pas plus loin, enfin se tolèrent juste, les indigènes sont quand même considérés comme des gens inférieurs et incultes, je comprends mieux maintenant ma communauté quetchuase qui s’est repliée sur elle-même pour mieux se protéger…

Quelques personnes seulement m’ont ouvert leurs portes et leur cœur, bien sûr il y a mon guide quetchua, il y a Catarina, il y aura la personne dans le col venté et pluvieux qui m’offrait de partager sa chambre et la dame du tout petit village qui m’a offert sa pelouse et à manger et d’autres aussi, mais pas la majorité… Cela vient peut-être aussi du fait qu’ici il y a des « gringos »… Moi on m’a dit plusieurs fois que je n’étais pas comme les autres, d’abord les gringos ils ne parlent qu’anglais, moi je parle l’espagnol, les gringos ils se font servir et ne parlent pas avec ceux qui les servent, moi je parle beaucoup… Mais quand je suis malade je ne parle plus… Au Venézuela c’est tout un peuple qui m’a ouvert son cœur et ses portes, en Colombie, beaucoup, beaucoup, beaucoup, ici moins…

Je ne serai pas encore assassinée cette nuit-là… Quand même c’était un bel endroit pour se faire assassiner…

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2 réponses à J135 : un cadavre au bord de la Panam…

  1. Courage Françoise ! Tu en as à revendre je sais mais gardes-en un peu encore pour toi et pour toi seule.
    A bientôt

    • Francoise dit :

      Je garde, je garde, et viens de prendre une sage decision, je reste un jour de plus ici, je n’ai pas eu le temps de bichonner mon amour, et avant de lui faire des bisous, tu m’as demande la permission ?
      Beso

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