J221 : la route diabolique J9 : quand le diable rencontre la diablesse…

Lundi 29 août 2011

Squatt dans une maison inhabitée sur le bord de la route – Bivouac dans la pampa à 4200 mètres d’altitude.
Distance parcourue : 51,90 km
Vmoy : 8,4 km/h Vmax : 45,5 km/h
Température : minima : 3°, maxima : 27°
Dénivelée positif : 581 m
Dénivelée négatif : 334 m
Heures sur le vélo : 6H09’52 »Départ : vers 9 heures
Arrivée : vers 15 heures 30, on termine de monter la tente à la nuit…(qui tombe à 18 heures)

Résumé de la journée

  • Conditions météorologiques : beau, froid en altitude
  • Objectif : avancer, trouver un endroit où dormir
  • Etat de santé : bon
  • Particularités de la journée : montée, traversée d’un immense altiplano appelé ici pampa sans rien, Christophe que je croyais à un jour devant moi était à un jour derrière moi, il va me faire mener une journée d’enfer, je vais lui faire goûter à une nuit d’enfer, bivouac à 4200 sous la Croix du Sud, il savait pas, il a aimé…

Je quitte mon squatt après avoir rencontré les propriétaires, oui, j’ai bien fait de me mettre là, je les remercie, l’homme avant de travailler mache ses feuilles de coca et m’explique que c’est pour avoir de la force, que le gros paquet ne coûte que 4 soles, un dollar, j’ai hésité à lui en demander pour voir si ça donnait vraiment de la force, mais de la force j’en ai…

Ca monte et je monte bien, puis arrive quelques épingles,la première passe bien, je  pousse dans la deuxième et la troisième, puis je pédale dans la suivante.

La route monte toujours, une ligne droite que je monte allègrement…

Quand… J’entends derrière-moi « Françoise, Françoise ». Ici ils ne savent pas dire Françoise, je me retourne  : le diable…

Qui rencontre…. La diablesse…

Christophe, pas possible, je le croyais à un jour devant moi, il était à un jour derrière moi… Christophe c’est le suisse en vélo couché que j’ai déjà rencontré plusieurs fois, la première fois après la descente de Pallasca, puis il m’a doublé dans le canyon del Pato, je l’ai rattrapé à la sortie. Il est allé faire un tour dans la Selva, je suis aller faire un tour dans la Cordillera Blanca (ascension de l’Ishinca pour ceux qui ne suivent qu’à moitié ou pas du tout…), puis dans l’altiplano, il m’a doublé au début de la route diabolique et le voilà derrière moi, enfin bientôt devant et il va me faire mener un train d’enfer…

Nous allons atteindre l’altiplano.

L’altiplano comme d’habitude n’est pas plat, il monte et descend. Cet altiplano est particulièrement sauvage…

Je vais quand même y débusquer de petites fleurs…

Pendant 60km rien, ni maison, ni village, rien…

Christophe a peur de me laisser seule, j’essaie de lui expliquer que je ne crains pas la solitude des grands espaces sauvages… Mais il ne comprend pas bien. Il est parti ce matin à 6h15 de Ayacucho et il a l’intention de faire Ayacucho-Orcos en une étape. Ca ne me convient pas mais je me laisse entraîner. La jolie route goudronnée va laisser place  à une route goudronnée toute neuve, Christophe pense que nous sommes les premiers cyclos à l’emprunter, puis ce sera  une mauvaise piste ensablée.

Je vais d’ailleurs rencontrer un chasse-sable, oui rigolez pas ça existe, c’est exactement comme nos chasse-neige, sauf que ça chasse le sable. Christophe chute et m’évite la chute, un virage où on dérape, ça vous ramène à l’intérieur du virage et là gros paquet de sable, chute inévitable. De voir Christophe tomber me permet d’anticiper et de ne pas tomber, très juste… Je ne sais pas ce que m’a dit exactement Christophe si il allait changer de pneus ou si il en avait acheté à Ayacucho, nous exprimons tantôt en français, tantôt en espagnol, Christophe étant suisse allemand et ne maitrisant pas le français. En attendant, son vélo équipé du même type de pneus que les miens dérape autant que moi mais lui a un bouton siège éjectable, oui il a la technique quand il tombe pour s’éjecter sans se faire mal, c’est plus facile avec un vélo couché qu’un vélo normal.

L’altiplano est grandiose, je ne m’arrête pas aussi souvent que je le voudrais, je ne veux pas retarder Christophe, en fait Christophe a décidé de m’escorter…

On s’arrête un quart d’heure pour manger, lui pain et thon, moi mes galettes salées et des trucs au chocolat, je lui offrirais de mes trucs au chocolat, il ne m’offrira rien, je pense qu’il a calculé ses rations à la calorie près, bon chacun voyage à sa manière, là j’ai rien à dire, nous avons en commun d’aimer les chemins de traverse, mais lui ces chemins il les traverse à la vitesse grand V et moi à la vitesse petit v… Je n’ai pas avec lui la connivence que j’ai eue avec André et Anne, mais voilà ça ça ne s’explique pas… Et pourtant il est vraiment très gentil avec moi… Je ne suis pas à l’aise avec Christophe, je suis tellemment mal à l’aise que lorsqu’il filtrera de l’eau pour lui alors que je n’en ai plus je ne lui demanderai même pas de m’en filtrer… Il ne s’inquiètera pas de savoir si j’en ai assez… En y réfléchissant je pense qu’on s’intimide mutuellement…

D’ailleurs à cette lagune je suis tentée de m’arrêter, je n’ai pas envie de continuer aussi vite, avec Christophe je n’ai pas pédalé à mon rythme et ça ne me convient pas. Il n’est que 3 heures et demi de l’après-midi, le vent souffle déjà fort, je me dis que à 5 heures et demi ça va être pire, et puis je pédalerai bien encore un peu. La police passe, je demande si je peux planter ma tente là en toute sécurité, réponse mitigée, il ne reste plus que 15 ou 20 km de pampa, après c’est la descente sur Ocros, oui bin mes cocos vous êtes jamais monté sur un vélo, parce que la descente sur Ocros avec cette très mauvaise piste c’est pas du gâteau… Et ici non plus c’est pas du gâteau… Surtout quand une diablesse essaie de suivre un diable…

A un moment Christophe me dit me dit qu’il reste 28 km d’altiplano, nous sommes à 4200 mètres , et ça a son importance, on fatigue quand même plus. Christophe me redit que c’est jouable d’être en mars à Ushuaïa, qu’en Argentine on se balade vers les 2000 et non au-dessus de 4000 ou 4500, que les routes sont bien meilleures, qu’en revanche il faut bien préparer son parcours sur la route des lagunes en Bolivie car il y a 10 jours sans rien, et qu’en Bolivie les pistes c’est pire qu’ici, oh la la, moi je ne vois pas si loin…

Nous réétudions ensemble le parcours à venir, j’en suis à mon deuxième pic, il y en a 7 pour arriver à Cusco, Swidge, mon homologue qui va en sens contraire (allez d’ailleurs expliquer aux voitures qui vous doublent, que non, vous ne vous êtes pas disputées allant chacune dans un sens, non c’est pas ma copine, mais si c’est ma copine, non on ne s’est pas trompé, les gens ils ont vraiment rien compris, il faut dire que voir une jeune fille seule en vélo et on va dire une femme pas encore tout à fait vieille seule également, les deux chargées comme des mules, allant en sens contraire, ça étonne…) Swidge m’a dit que le dernier pic avant Cusco était plus facile…

Nous étudions donc le parcours, j’ai gravi sans problème les deux premiers pics, je vais tomber dans la descente du deuxième…

En attendant Christophe a été malade à Ayacucho, nous les cyclos tombont tous régulièrement malades… Maintenant je sais que malade je ne pars plus, c’est idiot, seul remède, attendre que ça passe… Le couple français en tandem qui ne mange ni crudités ni tout ce qui risque d’avoir une eau douteuse, eux-aussi ont été malades, ils ont pris un antibiotique hypercostaud , si ils savaient les effets secondaires possibles ils auraient temporiser, jusqu’à présent je n’ai pas eu recours aux antibiotiques, celui-là est en vente libre dans les pharmacies… Et je vous dirai pas le nom, je crois qu’il est à réserver aux cas graves… Suite à ma dernière maladie (hier au moment où j’écris…), j’ai décidé d’éviter les limonades faites maison et délicieuses et les feuilles de salade, snif, snif… Moi qui avais envie de tenter une glace… Aujourd’hui j’ai vu qu’ils vendaient de la crème chantilly en poudre… Me disant que je devais manger des yaourts, il y en avait dont l’emballage me tentait dans un petit supermarché avec presque une vendeuse par yaourt, je demande si ils ne devraient pas être tenus au frais, non pas besoin, je lis attentivement ce qu’il y a sur l’emballage, et bien si, je montre à la vendeuse et surtout n’achète pas… Je me rabats sur ce que je crois être un yaourt, il y a des vitamines, du zinc et je sais plus quoi, sauf que quand je l’ai ouvert ça a tout giclé vu que c’était plutôt liquide, bon j’ai bu pour me vitaminer…

Nous arrivons dans une zone de travaux. je suis derrière un enfin je ne sais quoi, impossible à distinguer vu le nuage de poussière qu’il dégage, il se met à reculer, je suis obligée de le doubler, complètement à l’aveugle, je n’y vois pas à 10cm, j’ai de la chance, rien en face… De la poussière on va en bouffer, je ne sais pas que le lendemain je vais la manger… Je sens que je me mets dans le rouge question muscles, de plus il se fait tard. A un endroit des péruviens campent, ils font dessiquer des pommes de terre au soleil et dans l’air hypersec qui règne à cette altitude (j’ai vu un reportage à la télé sur ça, alors je sais, c’est une sorte de pommes de terre, c’est une technique ancestrale et il faut des conditions d’ensoleillement, de sécheresse de l’air qui ne doit exister qu’à cette altitude), si j’avais été seule je pense que j’aurais demandé la permission de camper avec eux, mais il y a également une odeur qui me dérange… Et je suis avec Christophe, je passe.

Christophe me raconte que je ne sais plus à quelle ville il a été interviewé par la télé locale et qu’il a demandé si ce n’était pas dangereux, qu’après on allait le repérer et l’attaquer, et bien moi je ne pense pas du tout à ça, peut-être que je suis inconsciente mais quand je suis en insécurité je le sens, peut-être le fait d’être femme et d’avoir un certain âge, et oui je n’ai plus vingt ans, me protège, mais curieusement les gens que je rencontre ont plus envie de m’aider que de m’attaquer. Franchement j’aurais pu tout faire en camion ou camionnette sans jamais rien demander, vu toutes les propositions que j’ai eues… Mais mon projet c’est tout en vélo… Et les cyclos aussi ils veulent me protéger, je dois faire pitié… En dehors de ces sécheurs de pommes de terre, nulle vie sur l’altiplano.

Lors d’une zone de travaux ils filtrent la circulation (très rare, mais ils filtrent), Christophe passe, pas moi. J’en profite pour interroger les ouvriers du froid, est-ce que c’est dangereux de dormir là ? Bien sûr on me répond le froid, là je rassure, j’ai tout ce qu’il faut, j’ai déjà fait. Non, ils me conseillent juste de m’éloigner de la route pour qu’une voiture ne vienne pas m’attaquer pendant la nuit. J’essaie de rattraper Christophe, il a disparu, je me dis qu’il a abandonné son idée de me protéger et qu’il continue à toute allure. Maintenant je sais que je dois m’arrêter, je cherche un endroit où planter la tente, je vois des rochers, je me dis que je serais à l’abri derrière, je commence à traverser la pampa, quand je revoie Christophe qui est venu voir ce que je devenais, je lui explique que je ne peux continuer, que je vais à la catastrophe, que je sens que mes muscles vont lâcher et qu’alors j’en aurais pour plusieurs jours à récupérer, je lui dis de ne se faire aucun souci pour moi, que j’ai déjà dormi plusieurs fois dans les altiplanos (je lui dis pas le paramo et la guerilla en Colombie…) et je pense sincèrement qu’on ne risque pas grand chose, qui va venir ici la nuit ? Christophe dort plutôt chez les pompiers ou près de la police, il a sûrement raison question sécurité, mais un bivouac sous les étoiles au-dessus de 4000, ça a son charme, et Christophe va le découvrir pour la première fois… De plus derrière les rochers on ne me verra pas. Christophe décide de rester avec moi, nous allons nous installer un peu plus loin que là où j’avais l’intention d’aller.

Christophe vérifiera bien qu’on ne nous voit pas de la route, il aperçoit les phares d’un camion un kilomètre plus loin, je recouvrirai donc le truc fluorescent de ma tente avec du papier et nous metttrons les vélos qui scintillent de partout devant les tentes. Nous finirons de planter les tentes à la nuit, Christophe se sera fait une journée de plus de 11 heures…

Voilà mon premier cadeau pour Christophe…

Chacun mangera de son coté emmitoufflé dans son duvet, oué ça gèle dur, puis nous sortirons admirer les étoiles, il n’y connait rien non plus mais grâce à son petit truc électronique je vais enfin identifier la Croix du Sud, la nuit sera glaciale et très calme, deux voitures vont passer dans la soirée et puis plus rien jusqu’au matin… Qui sera tout blanc…

Bisous tout le monde

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3 réponses à J221 : la route diabolique J9 : quand le diable rencontre la diablesse…

  1. surcouf dit :

    Salut Françoise, je re fais un essai

  2. surcouf dit :

    Bonjour Françoise, je te suis une fois par semaine et j’ai été désolé d’apprendre ta mésaventure. Comme je n’arrivais pas a me contacter, je me suis adressé au ours , mais personne ne ma répondu ( je les ai quitté il y a 5 mois en claquant la porte )
    je reprends ta maxime «  » ça passe où ça casse «  ». Si tu veux bien écouter mon conseille :
    rentre réparer la casse, refais-toi une santé, et reparte pour une 2em passe
    Je suis admiratif de ce que tu as fais. bisous jpol

  3. Françoise dit :

    Merci de me suivre, non je ne rentrerai pas. Merci d’être admiratif, ici jamais on ne me dit que je suis pas capable et que l’on ne veut pas de moi dans son groupe… On me dit impressionnante, exceptionnelle même de la part des pro, et bien ça fait vachement du bien… Moi je fais toujours partie des ours et compte m’y réinscrire par correspondance cette année. Si les ours m’avaient, comme les chamois donné une banderolle ou un gilet je les aurais portés fièrement à Ushuaïa, (mais sûrement je n’ai pas exprimé clairement ma demande) enfin j’aurais tenté, rien n’est jamais gagné, la preuve… Et pour en revenir à ma fracture, comment j’ai été soignée en France ? On m’a écrabouillé la main, il m’a été impossible d’obtenir de l’aide quand j’étais dépendante, avec tout ce qu’on dépense pour la santé et la prise en charge de la dépendance c’est une honte… Finalement je suis presque plus aidée ici… Je reste, je patiente et dés que je peux je repars de là où je me suis arrêtée… Plus que 5 pics avant Cusco, et j’ai changé pneus et chaussures, la carcasse, c’est plus dur……Bisous

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