J 26: 3000 mètres, je suis à 3000 mètres d’altitude…

Mercredi 16 février 2011

Timotes – Rincon de la Venta

19,15 km

Vmoy 5,3:  Vmax : 38,5

Température : 23 ° avec une pointe à 34° pendant une demi-heure

Dénivelée positif : 936m dénivelée négatif : 71m selon compteur

Dénivelée positif selon altimètre :  altimètre H.S. ( pile nase)

Heures sur le vélo : 3H35’36 »

Départ : 8h30

Arrivée : 13h45

Pour être dans la Cordillère des Andes, je suis dans la Cordillère des Andes. Je suis sur la plus haute route du Venezuela. Tout le monde m’a prévenu, la route est très difficile, elle monte, il faut franchir un col à plus de 4000 mètres. Ce matin réveil 7 heures, je m’active, je mange bien pain chocolat coca, après tous les salamaleks d’usage je décolle à 8h30. Surprise ce matin quand je vais charger mon vélo : un petit sac plastique est accroché avec dedans des bonbons (ce seront mes premiers), du chocolat et un petit mot d’encouragement des belges que j’ai rencontrés hier. Oui, depuis mon départ de Caracas, pour la première fois je rencontre des touristes, ils sont belges, ils sont quatre retraités, ils voyagent en minibus et ont organisé leur voyage à l’aide d’une agence allemande. Ils sont partis de Bogota, ont traversé la Colombie, ont beaucoup aimé la Colombie, les colombiens sont parait-il très accueillants, la Colombie est beaucoup plus propre que le Venezuela, ils se sont sentis en sécurité. Je les revois avant mon départ, ils me reproposent leur carrosse (nom donné aux voitures ici) (ils vont à Merida), évidemment je refuse, ils me renouvellent leurs encouragements et me font cadeau d’une boite de gâteaux. Avant mon départ un cycliste vient me saluer, la nouvelle s’est vite propagée comme quoi y avait une folle-dingue cyclotouriste qui traînait dans les parages. Hier j’ai découvert « el centro de informatio » c’est un endroit avec accès libre (gratuit) à internet pour tous, j’en ai revu dans un des villages que j’ai traversés, je ne sais pas si c’est dans tout le Venezuela ou seulement dans l’état de Merida. J’ai compris que le pays est formé de plusieurs états, que chacun a sa spécificité, il y a même un état portuguais, on y parle le portugais. A chaque entrée et sortie d’un état un grand porche enjambe la route et il y a un contrôle de police aléatoire. Moi j’ai déjà été contrôlée deux ou trois fois, mais à des contrôles inopinés au bord de la route, je n’ai jamais du sortir mon passeport, ma tête et mon baratin ont suffi, une fois ils voulaient savoir ce que je transportais dans mon chargement impressionnant, l’autre fois ils étaient intrigués par mon bracelet stabilisateur ( je rappelle que depuis que je le porte, n’ai plus du tout mal au genou alors que je traine cette douleur depuis des années, en revanche ce bracelet n’a aucune efficacité sur la douleur du dos). Donc ce matin je pars d’assez bonne heure, plus tôt je vais me geler, il faut que je calcule entre le froid le matin et le brouillard qui tombe entre midi et treize heures. Ca y est j’ai compris comment le temps fonctionne ici, enfin en ce moment. Pour les amateurs d’andisme vénézuelien je vous préviens : la montagne quand le brouillard est tombé n’est pas belle, elle est inquiétante, vous donne des frissons de partout et vous n’avez qu’une envie c’est la fuir. Mais ce matin le soleil brille et il y a dans l’air quelque chose de cristallin que l’on retrouve aussi dans nos Alpes, et la montagne est belle, belle. Un vrai torrent coule en bordure de routes, tout sourit, j’entends même un sifflement qui n’est pas un sifflement de marmotte, mais quand même c’est un sifflement. La nature ce matin est, selon l’expression consacrée riante. La route monte, la route est excellente, le revêtement non bruyant et la circulation peu intense, je profite intensément de cette Cordillère qui pour la première fois me paraît accueillante. Les dix premiers kilomètres se passent sans problème, je pédale plus que je ne pousse malgré la montée. Les dix derniers seront encore très durs, je pousse plus que je ne pédale… Ouf quand je rencontre mon cycliste du matin ( j’ai soupesé son vélo et suis encore partie avec le vélo à bout de bras en courant, c’est sûr quand je reviendrai, si je n’ai pas dépensé toutes mes économies et après avoir fait refaire mon toit, je rappelle au passage qu’il y a trois fuites dans ma maison… Donc si il me reste des sous je m’achèterai un vélo poids plume et j’en mettrai plein la vue à tous mes amis cyclistes. Suis frimeuse ? Oui, j’assume. Hier ma sœur m’a convaincue d’arrêter de compter mes sous et de manger à ma faim, donc hier soir j’ai mangé un steak, mais quand le plat est arrivé, il y avait deux quarts de pommes de terre, trois rondelles de tomate et autant de concombre, une demi-feuille de salade… J’ai rappelé la serveuse et lui ai dit que vraiment ce n’était pas possible, elle m’a ramené deux quarts de pomme de terre, un peu de riz et deux tranches de pain. Cela commence à devenir une obsession la nourriture, bientôt je vais avoir des hallucinations. Sauf que je comprends ce qu’il m’arrive : je me paye un marathon par jour, qui plus est avec des dénivelées et une bicyclette chargée, ou deux Granons, ou pour ceux qui ne connaissent pas le col du Granon un ou deux Alpes d’Huez, ou un Ventoux( au fait je recommande le col du Granon avant de partir affronter la Cordillère des Andes, 1000 m de dénivelée sur 10km, soit une pente moyenne de 10%, sauf qu’en ce moment il doit être enneigé). Ici la pente est souvent est souvent supérieure à 10%. Dans le village de Chapocono la pente devait encore avoisiner les 35%, même les vélos vides poussent, et moi je pousse à 2,4 mais dans les pentes normales (inférieures à 20%) je pousse à 4,2, et quand je pédale mais que je suis limite, je suis à 6,2, là l’équilibre devient précaire (mon frère aîné, explique moi donc la chose, la vitesse et l’équilibre). Donc ce matin tout va bien. Je m’arrête pour pique-niquer sur un rocher qui aurait été bucolique si des ordures n’y traînaient pas. De mon piédestal je domine trois épingles à cheveux et le spectacle est fascinant, il y a les camionnettes avec leur chargement de légumes (ici toute la montagne est cultivée ; choux, poireaux, oignons, céleri), pas de serre, mais un arrosage automatique qui de temps en temps vous arrose. Je ne quitterai  ma polaire qu’une petite demi-heure car une petit vent froid descend de la Cordillère. Donc je suis sur mon rocher au soleil, car le soleil est chaud mais le vent froid. Vu la limite explosive de mon sac de ships je comprends que j’ai gagné de l’altitude, une fois j’ai senti mon cœur battre un peu vite. Je suis toujours sur mon rocher et je regarde les épingles à cheveux, les camions de plus de deux mètres ne peuvent franchir l’épingle sans manœuvrer, de même que les bus… Allez je ne traîne pas trop, on m’a bien dit qu’il y avait un col à 4000 mètres à franchir, j’espère trouver un endroit où dormir avant car évidemment les nuages arrivent à la vitesse grand V. Je vois un petit village au fond de la vallée montante, je me dis que quoiqu’il en soit je dors là, c’est suicidaire compte-tenu de mon état de fatigue et des nuages qui maintenant ont envahi presque toute la montagne d’essayer de franchir ce col aujourd’hui, si il n’y a ni posada, ni hôtel je fais du sitting, le grand sitting. Ouf une posada. La dame qui m’ouvre va chercher quelqu’un, mais apparemment cette posada est fermée et ne peut me recevoir, on m’en indique une autre cent mètres plus loin, cette posada est allemande et il y a des « cabanes ». J’arrive, le portail est fermé et les chiens aboient et les nuages ne sont pas loin. Quelqu’un vient m’ouvrir, oui je peux dormir. C’est hyper cher (320 bolivares), c’est aussi cher que c’est beau, c’est aussi beau que l’hôtelière est inhospitalière, c’est aussi beau que peu confortable, enfin cela pourrait l’être, mais voilà, le sort en a décidé autrement. J’ai fait une erreur, c’est sûr. J’arrive je suis chaude, les nuages sont au-dessus de ma tête mais ne me sont pas encore tombés dessus, je me dis qu’il faut absolument que je nettoie mon vélo, que je dégraisse et regraisse chaînes et pignons, donc je m’y attaque, cela me prendra une heure et demi, ce n’est pas parfait, la chaîne est vraiment pleine de cambouis et je n’ai pas assez d’essence, mais quand même c’est mieux que rien, sauf que les nuages sont tombés sur ma têtz, qu’il fait froid (on a beau être sous les tropiques, à 3000 mètres avec le brouillard ça caille un max, donc je me paralyse les mains. Dans ma « cabane » il y a une cheminée avec un feu tout prêt, sauf que mes mains sont tellement paralysées par le froid que je peux craquer une allumette qui est par ailleurs de très mauvaise qualité, j’essaie avec mon briquet, j’ai du mal, mes mains ne répondent pas et le briquet non plus, quand enfin j’arrive à sortir une flamme le feu tout prêt se révèle aussi mal préparé que beau, je défais tout et recommence à ma façon, j’ai l’habitude de faire du feu, je rebataille longtemps pour réussir à tirer une flamme de ces allumettes et de ce briquet, et quand enfin j’en ai une, j’ai décidé que le feu prendra, et il a pris. Avec le feu il fait 16 dans la cabane, je n’arrive pas à me réchauffer, avant de filer dans mes deux duvets (le duvet et la veste en duvet) je tente une douche chaude, l’eau n’est pas assez chaude. Le feu chauffe le ciel ( bon j’ai l’habitude, c’est exactementcomme dans mon studio, juste ce n’est pas le même ciel). Je viens d’ouvrir la porte de ma cabane car je crois que je suis en train de m’intoxiquer avec le gaz, c’est féérique, il fait nuit, le brouillard est intense, ça et là dans la montagne des lumières émergent, on devine la route qui grimpe tout droit en face avec les lumières des voitures, impressionnant… Demain je dois attaquer et vaincre ce col. Me reste à reprendre des forces, c’est un peu dur ce soir, et bien calculer l’heur de mon départ, pas trop tôt à cause du froid, pas trop tard à cause du brouillard qui tombe très vite, je crois que j’ai un créneau de 3 heures, il va falloir que je vise bien et que je ne traîne pas trop en route, mais là je fais ce que je peux. J’ai déjà préparé mes polaires, gants, bandeau et cagoule. Pourquoi ouvrir la porte à cause du gaz ? Mon hôtelière qui est, je vous l’ai dit, peu accueillante m’a dit que pour manger il y avait quelque chose un peu plus haut, moi je pensai qu’il y avait un restaurant. A six heures moins le quart je suis enfin réchauffée, j’ai fait un feu d’enfer et vais lui brûler tout son bois (enfin celui qui est à ma disposition, donc limité), je sors pour essayer de trouver du coca pour demain. Je commence par batailler comme une dingue avec le portail, l’hôtelière m’ayant laissé la clef et s’absentant. Je descends deux maisons, on ne voit pas à 100 mètres. Il y a une minuscule épicerie, pas de coca, on m’en indique une plus haut, au passage je me fais un peu mouiller par un arrosage, ce n’est déjà pas drôle de jour et au soleil, mais là dans le brouillard, beurk. Je passe devant le restaurant de la posada, fermé. A l’épicerie on me dit qu’il n’y a rien d’autre. Comme dans ma cabane il y a de quoi cuisiner, j’essaie d’acheter de quoi manger, il n’y a pas grand chose : du riz, des pâtes, du thon et des sardines. J’opte pour des pâtes, mais il n’y a pas de sauce tomate, je change d’avis (erreur) et prends du riz, et je vois des œufs, je me dis que des œufs au plat feront une bonne sauce pour le riz, que je vais en faire cuire dur pour demain avec du riz froid ce sera parfait. Sauf que le riz ne veut pas cuire, je suppose que celui vendu chez nous est plus ou moins traité. Au bout d’une heure j’abandonne, ce d’autant plus que j’ai l’impression que je m’intoxique avec le gaz. Je mange pain œuf dur et toute ma provision de chocolat… Voilà une journée qui a bien commencé, qui a moins bien fini, mais je suis à 3000 mètres d’altitude, j’ai un toit, j’ai rempli mon estomac, et en plus je regarde la télé, ils disent qu’il y a eu la révolution en Egypte et que ça bouge en Iran. Si quelqu’un peut me donner quelques informations sur ce qui se passe dans le monde, vu par nos yeux de petits français, car ici la vision est différente, ce qui est normale. Quand même c’est intéressant ce que je regarde, ils parlent de tout le proche-orient, d’Israël, etc, un autre point de vue… Hier j’étais contente de reparler français avec les belges, je n’ai plus parlé le français depuis mon dernier coup de fil avec ma fille. J’entends aussi qu’il y a eu un tremblement de terre en Amérique latine, mais je n’ai pas compris où, en tous cas pas ici. Les relations entre la Colombie et le Venezuela se normalisent. Le gouvernement colombien demande la libération de tous les otages farks. Ils se sont battus dans un parlement, je ne sais pas non plus lequel. Allez dodo, demain le premier col à plus de 4000 mètres, ce ne va pas être rien. Ca sent toujours le gaz, je vais regarder si il n’y a pas moyen de le fermer, je n’aime pas ça, déjà qu’à cette altitude il n’y a palus d’oxygène, que le peu qu’il reste est pollué par des véhicules de toutes sortes, si en plus le gaz s’y met…Non, il n’y a pas de robinet et le joint doit avoir cent mille ans, je vais laisser un peu ouvert. C’est malin de payer une fortune pour dormir et d’être obligée de dormir en plein courant d’air, je serai mieux dans ma tente, mais où la mettre ? Ce matin, à moins de 10km de Timotes, il y avait deux campings, ce sont les premiers que je vois, mais il fallait que j’avance plus loin, je crois que là j’ai bien calculé mon coup en partageant la montée en deux. Il fait vraiment froid, avec mon feu 15° dans la cabane…   A Merida je vais devoir racheter une polaire et un anorak, on verra.

Hasta luego (si Dieu le veut, le gaz…)

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