J35 : Deux nouveaux ennemis : le vent et l’orage

Jeudi 24 février 2011

Merida – Santa Cruz de Mora

71,74 km

Vmoy : 11 km/h  Vmax : erreur, dommage, je crois que j’ai battu mon record de vitesse dans la descente de Merida

Température : 34 ° avec des pointes à 41°

Dénivelée positif : 495m dénivelée négatif : 1775m selon compteur

Dénivelée positif selon altimètre :  altimètre définitivement H.S. Après intervention du restaurateur qui vendait aussi des piles, qui a forcé comme un malade pour ouvrir l’engin, qui a tout cassé, n’avait pas la bonne pile, je l’ai trouvée ailleurs (chez les japonais),mais tout est cassé, je crois que plus personne ne touchera à un cheveu de mon matériel…

Heures sur le vélo :6H29’44 »

Départ : 9h20

Arrivée : 7H20 à la posada, mais imprévus

Résumé de l’article : (pour ceux qui roulent ou les flemmards ou les gens normaux que mon délire n’intéresse guère)

  • Objectif atteint : Santa Cruz de Mora
  • Conditions météorologiques : 26° au départ, 29° à l’arrivée, 35° au milieu et pointes à 41°, vent chaud violent de face en continu plus rafales, ciel bleu au départ puis se couvrant, chaleur intense, violent orage à l’arrivée puis trombes d’eau
  • Etat de santé : turista la veille, douleurs musculaires dans les cuisses après le 4700m, nez cramé, plutôt bonne forme
  • Degré d’euphorie : bon sauf lors de l’orage alors que je fais demi-tour pour trouver un endroit où dormir

Le départ s’effectue un peu tard, mais la veille je ne me suis endormie qu’à deux heures du matin vu les litres d’icetea préparés par le guide et qui étaient délicieux. Au début tout va bien, les embouteillages de la ville le matin, j’adore. Ce matin je n’ai mangé que du chocolat et bu du coca, n’ayant pu faire de courses la veille vu la rentrée tardive. Je trouve une « panaderia » (boulangerie) et achète 4 petits pains, la route descend, descend, descend, descend, parfois monte un peu, je bats mon record de vitesse dans une descente pour pouvoir remonter la cote en face, je reconnais que je prends un peu de risques, la route est à cinq voies, au milieu la voie du tramway, mais pas de voie d’arrêt d’urgence. La circulation est intense, le bruit infernal, j’ai donc décidé de tracer, oui c’est comme ça quand la route ne me plait pas je trace, en plus ça descend beaucoup plus que ça ne monte. Je regarde sur mon compteur les kilomètres qu’occupe Merida, en fait Merida et la ville voisine Ejido se touchent, cela fait presque une mégapole sur plus de 15km de long, la ville s’estompe mais pas la circulation. Plus je descends, plus il fait chaud. Un recoin devant une usine me permet de m’arrêter, je suis au kilomètre 25, je me découvre, décide de manger et fais sécher mon linge en l’attachant car le vent commence à souffler. Une femme et un homme de l’autre coté de la route (route à quatre voies avec beaucoup de circulation) m’appellent et insistent, j’y vais et commence à manger, la femme va me chercher de la soupe dans sa maison, je n’entre pas chez elle, ne voulant m’éterniser, et puis je surveille quand même mon vélo et ne veux ni traverser la route avec, ni franchir les marches de sa maison. La femme quant à elle surveille sa mère qui a plus de quatre vingt ans et qui perd un peu la tête, la femme fait attention à ce que sa mère n’aille pas sur la route. Horreur, la soupe est aux lentilles et à ce que je crois être des saucisses qui en fait sont des légumes dont le goût rappelle celui des châtaignes, bien sûr j’ai oublié le nom de ce légume, la soupe est excellente, et finalement elle passera bien. J’offre du chocolat à l’homme et la femme, ils sont ravis. L’homme s’en va. Je discute un peu. J’apprends que tout le village vit grâce à l’usine de traitement du cuir devant laquelle j’ai garé mon vélo, la femme lance la discussion sur Dieu, je lui dis que Dieu je veux bien, même j’espère mais que les religions je n’aime pas, et me voilà partie dans mes grandes démonstrations, je reconnais que le coup qui va suivre je ne l’ai pas senti venir, échange de noms, je lui laisse mon adresse email, elle me donne son numéro de téléphone, et au moment de partir : le nouveau testament, non pas ça, du surpoids comme cela ce n’est pas possible, je ne veux ni la vexer, ni prendre sa bible pour la jeter plus loin, alors j’explique le poids et dis que je connais le nouveau testament, ouf, elle le reprend, je retraverse mes quatre voies, rerange mon linge et repars. Et voilà que le vent devient puissant, violent, m’obligeant à mettre pied à terre et à m’arquebouter sur mon vélo pour avancer, rien de trop grave jusque là, je suis habituée, mais dans la descente ça se corse, je suis extrêmement concentrée, ralentis, il n’y a pas de voie d’arrêt d’urgence pour me protéger, soit je force comme une malade sur les pédales soit je freine, la route passe quelques cols et quelques trouées dans la montagne, ça descend, le vent est de plus en plus violent, je suis obligée de mettre pied à terre, c’est très râlant d’être à coté de son vélo dans les descentes. La route suit une vallée étroite et le vent s’est engouffré dedans et à mon avis n’en sortira jamais. La vallée devient canyon, pour un peu on se croirait au Colorado, le vent en plus… A une station service une voiture fait marche arrière pour venir interviewer, et moi je suis là en train de lutter désespéremment contre le vent, je demande comment est le vent après, on me répond comme ci comme ça avec la main, je ne suis guère avancée. Le vélo coincé dans une main, l’autre ouvrant la sacoche, faisant attention que rien ne s’envole, j’arrive quand même à faire quelques photos. Sans les voitures, sans les camions, sans le vent la route serait superbe… Il fait très chaud, mais cela ne me dérange pas. Mon calvaire va durer quinze longs kilomètres, puis la vallée va s’élargir et un semblant de voie d’arrêt d’urgence ( de la largeur de mon vélo, pas plus) et en très mauvais état me permet de réenfourcher mon vélo, c’est dur, très très dur, oui dur de maintenir le cap, de temps en temps je remets pied à terre. Un espèce de terre plein central me permet de m’arrêter un peu, de boire, de manger pain et chocolat fondu (oui, oui, je me suis fait avoir) mais il est presque meilleur fondu, on dirait presque du nutella. Les nuages ont depuis longtemps envahi les montagnes, mais là ils sont noirs, je me dis qu’au mieux ce sera la pluie, au pire l’orage. Je rerépartis mon bazar de la sacoche avant droite ( la seule accessible avec la sacoche guidon (quand je pense que j’ai mis gants et cagoules dans la sacoche guidon et qu’il fait entre 35 et 49°), je range donc tout et enferme tout hermétiquement et j’essaie de tracer, on m’a dit qu’après ma bifurcation vers  El Vigia  (où on veut m’envoyer, les gens ne comprenant pas que pour un velo il vaut mieux une petite route qui grimpe qu’une autopista et son bruit infernal), donc on m’a dit qu’après la bifurcation le trafic était moindre. Enfin au kilomètre 50 cette bifurcation arrive, et miracle, une petite route sans vent, à deux voies seulement, avec moins de circulation et surtout moins de bruit, le paysage est superbe, une vallée étroite, verte, tropicale, magnifique, elle n’ a qu’un inconvénient, elle ? Elle monte… Et les montées en fin de journée c’est ? Epuisant, tuant, mortel, horrible, épouvantable et le village n’arrive pas, pourtant d’après ma carte je le situais entre 5 et 8 km de l’embranchement. Je finis par craindre de l’avoir dépassé sans le voir et me sens dans l’incapacité de rejoindre la ville suivante qui est à une vingtaine de kilomètrezs et probablement montants. Je me dis que je suis peut-être en train de vivre un deuxième Timotes, sauf que je ne suis pas complètement épuisée. Je demande si il y a une posada, et où est Santa Cruz, les réponses vont de 10 minutes à 10 km ! Je vois un village au loin sur la colline, j’espère que ce n’est pas Santa Cruz, non ce n’est pas Santa Cruz, Santa Cruz est plus loin… Je commence à craindre d’être prise par la nuit. En ce moment j’écris, il continue à tomber des trombes d’eau, quand je pense qu’aujourd’hui j’étais dans une vallée aride où seuls poussaient les cactus, que là je suis dans une vallée verdoyante et qu’hier je me suis réveillée avec mon eau toute gelée, c’est fou, fou, fou. Je poursuis donc ma route courageusement. La route monte, il fait très chaud, heureusement l’ombre est de mon coté, enfin elle redescend, rapidement je mets mon coupe-vent et mes mitaines, l’air de la descente sur mon débardeur trempé de sueur me glace, au bout de quelques kilomètres la route remonte, je n’ai pas enlevé le coupe-vent, je transpire un max. Finalement je l’enlève. Je me renseigne, la ville n’est plus très loin, et c’est sûr, il y a posada et hôtel, puisque c’est si sûr que cela je garde le moral, et fait un mixt de pédalage et de poussage. Après une heure ou deux(il arrive un moment où on ne compte plus j’arrive dans les environs de Santa Cruz, un écriteau indique une posada, je comprends vite que l’écriteau est après la posada, je suis dans une montée, je me dis que je suis pas épuisée, que je vais aller à la ville, ce sera plus pratique et je me suis déjà fait avoir plusieurs fois par ces premières posadas qui sont aussi chères que nulles. J’arriveà Santa Cruz de Mora. Je me renseigne sur la posada, on m’envoie là, puis là. La place de la petite ville est très montante, elle est dominée par l’église et pour y accéder encore une de ces petites rues cimentée à 45% dont les vénézueliens ont le secret. Je monte, toujours arqueboutée sur mon vélo, je redemande et finis par aboutir à un hôtel, celui-ci ressemble plutôt à une boîte de nuit, et quand je demande si je peux dormir, la réponse est un non catégorique, j’en déduis que l’hôtel ne fait plus hôtel. Dans les rues encore quelques flaques d’eau et au loin un peu de tonnerre, je me dis que je l’ai échappé belle, que l’orage a du passer par là, et je suis arrivée, voilà la posada, elle est à coté d’une pharmacie. Tout est fermé, deux femmes qui discutent devant la pharmacie me disent qu’il faut frapper, seuls trois énormes chiens me répondent. J’insiste, que des aboiements, je reviens vers les femmes qui discutent, elles me disent que ça doit être fermé, que la personne a du partir.
– Y-a-t-il d’autres hôtels ou posadas dans la ville ?
– Non
– Je vais faire comment alors ? Moi je suis très fatiguée, je viens de Merida ( là ça en jette, c’est loin, très loin), il faut que je trouve un endroit où dormir
– Il y a une posada sur la route de Merida.
– Mais ce n’est pas possible, refaire tous ces kilomètres (en fait il y en a cinq et ça monte et ça descend)
– Vous allez tout droit et au sémaphore vous descendez et il y a un hôtel.

Ouf, je vais tout droit, sauf que pour aller au sémaphore il faut tourner à gauche, et là j’ai franchement un doute, je m’arrête, rentre dans un truc dont la porte est entrouverte : une salle pleine d’ordinateurs, je ne sais si il s’agit d’un point internet ou d’une entreprise, mais peu importe, moi je veux un endroit où dormir. On me confirme qu’il n’y a pas d’hôtel là et que la seule possibilité est la posada, Ca me fait râler, mais je n’ai pas le choix. La nuit tombe, je mets mes petites lumières, me refais préciser le chemin plusieurs fois, j’ai peur de la dépasser sans la voir cette posada tant recherchée, quand soudain un immense éclair, mais alors bien plus grand que chez nous, je n’ai pas le temps de compter, que la montagne entière tremble sous le bababoum… je vais vous dire je pédale à toute vitesse dans les montées, voilà le chemin qui mène à la posada, où est-elle ? Perdue dans la montagne ? Les éclairs et tonnerre continuent, je suis morte d’angoisse et puis des trombes, mais quand je dis des trombes ce sont des trombes, sur la gauche un hangard, je m’y engouffre, je n’ai même pas vu le chien attaché, et je me suis engouffrée si vite qu’il n’a pas eu le temps de me mordre. De l’autre coté du hangard une maison avec son petit patio abrité, le bruit de l’orage et de la pluie empêche les gens de comprendre ce que je demande. Je prends mon courage à deux mains et traverse la cour. La pluie fait un bruit d’enfer sur les toles de la maison, un enfant de trois ans s’amuse avec l’eau qui coule en torrent bouillonnant du toit. Je dis que je cherche la posada, on me dit qu’elle est là, je demande si je peux m’abriter, on m’offre une chaise, j’explique que j’ai très peur de l’orage, le boucan qui nous entoure nous empêche de discuter. Je reste là pas loin d’une heure, puis quand ça se calme une des jeunes filles m’emmène à la posada qui est juste à coté. Cette posada est charmante, très propre, la propriétaire me dit qu’elle ne peut me faire à manger, qu’il faut que je retourne au village, alors là non, je lui dis que je vais manger ma boite de sardines et mes cackers, elle prend pitié de moi et me propose deux oeufs et deux arepas, j’accepte, avant je vais prendre une douche (froide), mais il ne fait pas très froid. En sortant de la douche j’ai droit à deux oeufs sur le plat, mes deux arepas, une bière (je lui avais demandé si il y avait quelque chose à boire), elle m’offre aussi un délicieux jus tiède à base du miel d’ici (pour ceux qui n’ont pas suivi je rappelle que c’est une boisson à base de sucre de canne cuit avec différents épices), et puis elle prépare le repas pour les deux ouvriers qui logent là : oeufs brouillés avec jambon, elles leur chipe une part pour me la donner, je termine mon repas avec les deux électriciens, nous sommes installés sur le bar d’une cuisine à l’américaine. Notre hôtesse a les yeux bleus, les cheveux blonds et le teint clair, elle est dit-elle andine pure souche, et certains andins sont clairs de peau, elle est mince, habillée avec beaucoup de goût et passe son temps à essuyer son évier, pour la deuxième fois depuis que je suis au Venezuela je vois quelque chose de nickel de chez nickel. Les ouvriers en déplacement sont heureux de voir que je connais leurs villes respectives. Je rebois une cerveza en leur compagnie, ah oui, j’ai oublié il y a aussi eu la panne d’électricité (l’orage). La pluie va continuer à tomber en trombes la moitié de la nuit. J’ai encore du mal à m’endormir, il va falloir que je me recale histoire de partir et d’arriver plus tôt. Dans la nuit je me réveille, nausées, les quatre œufs y sont peut-être pour quelque chose…

Bisous tout le monde.

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4 réponses à J35 : Deux nouveaux ennemis : le vent et l’orage

  1. Quelle journée ! Mais quelle journée tu viens de passer !
    Je me souviens avoir vécu une pareille mésaventure où j’attendais la fin de la journée complètement vidé, les km s’accumulaient sans jamais trouver de quoi se laver, manger et dormir. Au bord du découragement, je trouvais finalement ce que je cherchais. Souvent j’ai trouvé ce genre de situation lorsque je cherchais dans les villages où les camping ou bien les hôtels ne se trouvaient pas à tous les coins de rue. Quelle galère c’était ! On finit finalement par trouver le gîte.
    Quelle courage il te faut !
    Encore bravo et courage à toi.
    Besos

    • Francoise dit :

      Merci Jean-Luc, je gere un peu differemment, quand je suis epuisee, je cherche 2m2 de plat ou je pose ma tente, je suis tellement em confiance dans ce pays que je peux dormir au bord de la route sans crainte… Mais,… Suite plus tard, dis-toi bien qu’ici ce n’est pas dans les moeurs de camper, il y a en tout et pour tout que deux campings dans le pays, et les hòtels ou posadas ne sont jamais au bon endroit… Je crois que c’est d’ailleurs le plus dur, trouver un endroit ou dormir, et moi j’ai l’avantage d’etre une femme et la reine des bavardes, alors ca aide…
      Muchos besos y buena noches

  2. Eliane SOLLETTY dit :

    …mais où prends-tu cette force et ce courage..??courage de pédaler même épuisée,affamée sans doute parfois…les voitures,la route,la chaleur,l’orage les posadas introuvables…et toutes ces tartines que tu as encore le courage d’écrire…au fait avec quel procédé? iphone?point internet? besos de l’oursonne Eliane.

    • Francoise dit :

      Bonjour Eliane, en plus de trimbaler mes batons et mes chaussures de rando je trimbale un ordinateur, disque dur externe, cleb USB et tout le bazar, et quand je trouve internet et a une heure ou je suis dispo j’envoie tout en rafales: Les voitures, la ca fait deux jours que je ne sais plus ce que c’est, la faim c’est a repetition, la chaleur il n’y en a plus beaucoup, la c’est le froid et la pluie, et depuis 3 jours je n’ai plus mes 3 heures de soleil reglementaires, je vais organiser une petition… Et quand je n’ai plus de courage, c’est simple, je m’arrete…
      Bisous

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