J40 : la force de l’eau

Mercredi 1er mars 2011
La Grita – El Cobre
21,57 km
Vmoy : 6,8 km/h Vmax : 44,9 km/h
Température : départ : 18°, en cours : 21°, arrivée : 16°
Dénivelée positif : 655m dénivelée négatif : 326m selon compteur Heures sur le vélo : 3H09’06 »
Départ : 9 heures Arrivée : entre 13heures et 14 heures
Altitude arrivée : 2000 mètres

Résumé de l’article : (pour ceux qui roulent ou les flemmards ou les gens normaux que mon délire n’intéresse guère ou ceux qui bossent comme des malades pour payer la retraite des vieux croulants comme moi, quand même il est possible d’enlever le c)
• Objectif : El Cobre
• Conditions météorologiques : départ : 18° en cours : 21°, arrivée : 16°, dans les nuages dés le départ, puis bruine, puis pluie, absence de vent ou vent faible, sensation de froid, humidité maximum
• Etat de santé : parfait
• Degré d’euphorie : moyen au départ vu les conditions météorologiques, mais bien deux heures sans pluie
• Particularités de la journée : ça monte (comme d’hab), rio fous, coulées de boues, effondrement de route en raison de ma pluie de toute la nuit, surprise, El cobre moins loin que prévu et une super posada

C’est bon je me suis préparée mentalement et physiquement à affronter el Paramo (la haute montagne) et la recherche toujours difficile d’un bivouac, j’ai tout ce qu’il faut pour manger et boire. Je m’endors tard (2heures) vu que je veux rattraper mon retard d’écriture et de photos. Je suis réveillée par les grandes cloches, je me dis qu’ils exagèrent quand même de les faire sonner si fort à 6 heures du matin, sauf qu’il n’est pas 6 heures mais 7 heures, mais je ne le sais pas. Il y a aussi les camions qui font ronfler leurs moteurs pendant des heures, à quand la multiplication par un milliard de l’essence ? L’autre nuit chez les colombiens, quand j’ai expliqué qu’en France nous éteignons la lumière pour faire des économies d’énergie ou des économies tout court, j’ai bien vu que je leur parlai chinois. J’ai mis mon réveil à 7H30, mais il n’a pas sonné. Quand je regarde l’heure il est 7H45, branle-bas de combat, je me dépêche de tout ranger, tout est étalé pour sécher, et d’ailleurs ça ne sèche pas, ça y est, je n’ai plus de culotte, mon duvet aussi est défait car hier soir j’avais froid; La gourde où il resté du coca est pleine de fourmis, ça tombe bien, j’ai trop de coca, mieux le trop plein va exploser dés les premiers mètres, j’ai donc ce qu’il faut et pas plus. Je regarde le temps par le vasistas, ici les chambres ont au mieux un vasistas avec une vitre teintée plus un rideau, au pire pas de fenêtre, rarement une vraie fenêtre. Le temps est gris, allez il ne pleut pas, j’y vais. Je vais me faire ouvrir la porte dérobée pour sortir avec mon vélo chargé, horreur, le ciel n’est pas couvert, la ville est dans le nuage, mais il ne pleut pas. Je demande mon chemin (on m’a déjà dit que ce n’était pas un chemin à bicyclette, donc je suis rassurée, c’est un chemin à bicyclette et je vais dans le Paramo. Je commence par remonter la ville sur quelques mètres, puis je tourne à droite, puis bien plus loin ce sera à gauche. Ca descend, je n’avais pas prévu cela, je ne suis pas assez couverte, j’attends un peu pour me recouvrir, puis décide de le faire, j’ai trop froid et n’ai que mon collant, sous-pull fin et une polaire et mes mitaines; Je m’arrête, enfile pantalon polaire pull odlo, gants polaires et bandeau polaire, évidemment 1 km plus loin ça monte, et bientôt je m’arrête pour enlever une épaisseur. Tout de suite m’explose au yeux le premier rio en furie d’une belle couleur orange, puis le deuxième rouge celui-là, le nuage m’enveloppe toujours, mais il ne pleut pas, il y a quand même de la circulation, et pour la première fois je l’aime cette circulation, elle me rassure et me dit que ça passe et que le Paramo ne doit pas être si terrible que cela. Premier éboulement et effondrement de route, c’est vraiment impressionnant, la nature ici est forte, puissante et détruit tout sur son passage, je suis toujours dans le nuage, beaucoup de fermes égaient ça et là la route, il y a aussi des abri-bus (sans bus), je repère chaque endroit où je peux m’abriter pour faire demi-tour si nécessaire, ici on ne lutte pas à armes égales contre les éléments. Les portions de route effondrée se succèdent, mais ça passe, déjà un bulldozer est au travail, et il ne pleut toujours pas. Je pédale, les jambes ont bien essayé de rouspéter au départ, mais vu le manque de réaction de leur propriétaire, elles ont tourné sans problème. Un peu de bruine qui s’arrête. La circulation est de moins en moins importante, la route de plus en plus cassée et les maisons se font espérer, les abris-bus eux ont disparu. J’avance, lentement mais surement, finalement je suis contente d’être partie, vu qu’il ne pleut pas. Il est 11heures 30, je commence à fatiguer et ai envie d’une pause pique-nique; Je cherche un endroit, mais ceux que je trouve sont ventés. Je passe devant des constructions qui me font penser soit à un terrain de camping, soit à une zone de vacances pour enfants : il y a un bâtiment central et une dizaine d’abris avec eau et coin barbecue, je demande ce que c’est, c’est bien une zone de camping du parc, déserte, et pas assez haute pour mon projet de la journée, je la laisse (à personne, vu qu’il n’y a personne), au bout d’un moment je trouve un endroit pas trop dangereux (pas de danger venant de la population, juste la route est étroite et à moitié cassée et il y a quand même de la circulation) ni trop venté où m’arrêter. Il est pile midi, je mets coupe-vent et bandeau, l’air frais et humide sur mon corps mouillé de sueurs me glacent, je mange pain (sucré, ici c’est comme ça), termine le paquet de ships entamé il y a mille jours, évidemment chocolat et coca, quand je regarde l’heure où je repars, il est 12h15, pas trop longue la pause. Je continue, je fatigue et ça y est, ça rebruine fort et la bruine se transforme vite en pluie, je note l’heure pour Jean-Luc (quand Pierre, Corinne, Enzo et moi allons te faire payer nos services Jean-Luc, tu vas être ruiné, tu ne pourras même plus te payer ton billet d’avion…), donc il pleut à midi et demi, mais une pluie normale, pas une pluie tropicale, et dans le sens de la montée c’est supportable, vite j’enferme une polaire qui trainait et couvre ma sacoche guidon, moi ça fait longtemps que j’ai mis kwé, bandeau et gants polaire, j’hésite pour le pantalon, finalement je ne le mets pas. Je suis à nouveau fatiguée, et je pousse de plus en plus souvent, une camionnette s’arrête et me propose de me conduire au village suivant, c’est sûr, une nana seule qui pousse un vélo hyperchargé sous la pluie ça fait plus pitié qu’envie, j’explique mon projet, l’homme comprend et me laisse à mon triste sort. J’arrive à un col, je sais qu’ici derrière un col il y un autre col, de grandes affiches affirment haut et fort qu’une coopérative agricole socialiste va apporter joie, amour et bien-être à tous (j’exagère un peu), pour la première fois je vois un écriteau St Cristobal, c’est sûr je me rapproche, à petits coups de pédale ou de pousse-pousse, mais quand même je me rapproche… Et soudain je vois une sorte de panneau où est écrit El Cobre, ce n’est pas possible, sur ma carte le village est indiqué à 38 km, et vu la surprise de la dernière fois quant au kilométrage je le mettais trois fois plus loin, je me renseigne, oui c’est bien El Cobre et une posada ? Oui, il y a une posada, mais arriba, arriba, à la deuxième place. J’arriba donc (en poussant et en m’arrêtant tous les cinq mètres vu que comme dans toutes les villes ça arriba beaucoup, c’est bien simple, ils ont tiré une ligne droite sur le flanc de la montagne et ils y ont mis la ville et la route, et cela dans toutes les villes vénézuéliennes de la Cordillera Andina. Je me fais reconfirmer à plusieurs reprises le chemin pour la posada ( je suis devenue méfiante) mais tous les renseignements concordent, après une demi-heure ou une heure d’arriba, j’arrive, je trouve la place, la posada semble fermée, non c’est la porte d’à coté, et là, encore un trésor caché du Venezuela, une splendide demeure dans les blancs et jaunes avec une véranda d’où jaillit une lumière qui fait vite oublier la pluie et le froid, des plantes, une décoration de charme, bref moi qui m’étais préparée à une recherche angoissante de bivouac, c’est un vrai bonheur, la personne de la réception m’ouvre le portail et je peux rentrer mon vélo chargé dans la chambre qui est immense et dont la fenêtre sans carreaux (juste volet et rideaux opaques) donne sur le patio. Au lieu de filer vite sous la douche et de mettre des vêtements secs, je fais des photos et je me fais accoster par deux jeunes qui habitent et travaillent ici, l’un travaille dans les ordinateurs, l’autre est musicien et fait du théatre. Le courant passe, c’est cela aussi le voyage, des rencontres, des échanges, des gens si différents mais avec qui on se sent «en résonance», j’écoute sa musique, il écoute mon voyage, je lui dédicace son CD, il me promet de me l’apporter en clef USB, à nouveau on me dit que je parle bien l’espagnol, ça, ça me fait toujours plaisir, mais je sens que j’ai encore beaucoup de progrès à faire, parfois des mots m’échappent, sauf que en français aussi les mots m’échappent. Après ce blablabla, ils vont à leur travail, moi sous la douche, mais trop tard, et la douche ne me réchauffe pas, allez, double duvet, et ça marche, auparavant j’ai tout étendu dans l’espoir d’un séchage, mais ici rien ne peut sécher sans soleil, le taux d’humidité est trop important, et le soleil se fait chaque jour plus rare, ça y est je n’ai plus de culotte sèche, et suis condamnée à dormir dans mon duvet avec du linge mouillé. Les jeunes m’ont dit que le vrai Paramo c’était pour demain, il n’y aurait que 17km, 17km c’est dans mes possibilités mais je suis devenue très méfiante sur ce que les gens me disent, on verra. Voilà ma journée, bonne journée, tu te prépares à vivre une journée dure et finalement elle ne l’est pas tant que ça… Je vais vite mettre tout ça sur ma clef et chercher un point internet, pour les photos ce sera pour plus tard, bisous tout le monde, je suis dans un point internet ou 50 000 gamins sont branches sur la meme ligne, c’est un peu galere mais sympa, il pleut toujours…

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12 réponses à J40 : la force de l’eau

  1. Jean dit :

    Je crois qu’au retour, avant de publier ton aventure, il faudra aérer ton texte, compléter la ponctuation, organiser des chapitres pour tenir le lecteur jusqu’à Ushuaia.
    Je pourrais même te passer mes récits des volcans d’Equateur et celui de l’ascension de l’Aconcagua. Certes, ce n’est pas le même style mais le lecteur n’y verra que du feu (celui de la Tierra del Fuego).

    • Francoise dit :

      Eh je fais ce que je peux, pedale, pousse, marche, ecris fais des photos, la fiesta, repare mon velo, je fignolerai plus tard, bisous

  2. ACHARD dit :

    PLEINS DE BISOUS ON PENSE A TOI

  3. Christ dit :

    Jean a raison mais bon, pour le moment on s’en fout, enjoy !
    bises séchantes 😉

    • Francoise dit :

      Oue, envoie auusi de la chaleur, venir sous les tropiques et se payer le froid du millenaire, il faut le faire… Bisous froids

  4. Monica dit :

    Sur Google-map, j’ai repéré El Cobre et la route qui mène à St Chistobal. Forets, cascade situées dans un parc national très verdoyant, vie sauvage ! Le rêve pour l’abuela fluo, remplie de globules euphorisants.
    Besos

  5. ARDUIN-BOREL Marie-héléne dit :

    bonsoir, babouska,
    Quelle galère tu es allée chercher? Mais, lorsque tout sera fini, tu auras de quoi
    raconter. Et même faire un livre. je t’ADMIRE car moi je ne serai jamais partie.
    Et en plus seule et femme. Préserve – toi quand même, et garde un peu d’énergie
    pour arriver au bout.
    Je t’embrasse, Mylaine.

    • Francoise dit :

      Je crois qu’une femme seule c’est finalement un avantage, tout le monde veut me proteger. Et franchement je suis tellement en securite dans ce pays que je n’attache meme pas mon velo quand je vais faire des courses, il faut dire que pour faire du velo ici il faut etre fele… Demain je le quitte, ca va etre dur, bisous

  6. anne sophie dit :

    gros bisous de Lyon

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