J64 : paramo pendant 60 km, premiers militaires prêts à tirer…

 

J64 : paramo pendant 60 km, premiers militaires prêts à tirer…

Samedi 26 mars 2011

Sucacon – Paramo del Huina – Belen

Distance parcourue : 59,68km

Vmoy : 9,1 km/h Vmax : 86,3 km/h (ne sais si interférences électromagnétiques ou si c’est vrai, n’ayant plus de frein je double les camions…)

Température : départ 15°au départ, va se maintenir longtemps, va monter à 29° 5 mn puis descendre jusqu’à 13°. Pluie sous forme de crachin au départ, dure une demi-heure, puis vraie pluie à 8 heures pendant une heure ou deux, puis repluie à 14 heures pendant une demi-heure

Dénivelée positif : 885m

Dénivelée négatif : 939m

Heures sur le vélo : 6H33’24 »

Départ : 7 heures

Arrivée : vers 16 heures

Résumé de l’article : (pour ceux qui roulent ou les flemmards ou les gens normaux que mon délire n’intéresse guère ou ceux qui bossent comme des malades pour payer la retraite des vieux croulants comme moi, merci d’enlever le c)

  • Objectif : Belen
  • Conditions météorologiques : lever du jour couvert, pluie à partir de 6heures 30, c’est bien la peine de partir si tôt, pluie sous forme de crachin, puis temps couvert et froid, puis revraie pluie, puis retemps couvert et froid, 10 mn de soleil et chaleur le temps du pique-nique puis retemps couvert et froid puis à 14 heures pluie d’une demi-heure puis retemps couvert et froid
  • Etat de santé : excellent (doigt toujours pendouillard)
  • Degré d’euphorie : élevé, je grimpe un paramo, zone de haute montagne avoisinant les 4000 mètres, y a pas ça m’excite
  • Particularités de la journée : deux très grosses journées qui se succèdent, tant physiquement qu’en aventures de tous genres. Je monte comme un chef, alternance d’excellent route, de piste et de route cassée. Aucune difficulté pour atteindre le paramo, c’est après que ça se corse, moi je croyais ensuite passer un col et redescendre, non, je suis dans une sorte d’altiplano, des collines qui montent et qui descendent pendant 30km à plus de 3500 mètres d’altitude, c’est physique. Au milieu de ce paramo une cinquantaine de militaires barrent la route et surveillent tout le paramo, certains sont debout d’autres accroupis, d’autres assis, tous ont leur arme en position de tir immédiat, les 360° sont étroitement surveillés, ils ont l’air très tendus, c’est impressionnant, je passe calmement, pas de réponse à mes buenos dias, je n’insiste pas, juste j’espère ne pas prendre une balle perdue. Je viens d’apprendre ce soir que je suis passé dans une des zones de guerillas les plus dangereuses du pays… Ne le sachant pas je n’ai pas eu peur, j’ai juste senti la tension extrême des militaires et compris qu’il se passait quelque chose, voilà, après renseignements plus aucun risque jusque Bogota, après il reste quelques zones d’extrème tension dans les paramos, je me renseignerai. Sinon trop trop beau, remontée de gorges, un monument à la vierge curieux, puis l’altiplano de collines verdoyantes, de pâturages et de cultures de pommes de terre. Quelque fermes sales, impression de pauvreté et de saleté que je retrouve à Belen, ville annoncée sur ma carte à 42 km en fait à 60. Hôtel colonial non refait ni nettoyé depuis 500 ans, à moitié électrocutée par la douche. Tout va bien, je pédale bien, je vois des super paysages, je fais de super rencontres, et ce soir je me suis fait peindre les ongles avec des fleurs, des papillons et même une vache, c’est super chouette

Il m’est arrivé tellement de choses aujourd’hui que je ne sais par où commencre…Je vais le faire par ordre chronologique, c’est plus simple

Lever 4h45, c’est de plus en plus dur, j’espère éviter la pluie et les éboulements et là j’ai un paramo à passer, je rappelle que le paramo c’est une zone de hautes montagnes avoisinant les 4000, avec tous les dangers que cela comporte. Je voudrais partir vers 6H30, mais franchement je n’en ai pas envie, évidemment le ciel est couvert et horreur il pleut. Je range mes affaires par degré d’humidité, je rerègle mes freins, et nettoie un petit peu ma chaîne.

Départ à 7 heures sous un petit crachin breton, merci Brigitte… Je me fais confirmer la route, je monte, les zones d’excellentes routes alternent avec des portions de route cassée parsemée de grands trous pleins d’eau et des zones de piste, mon vélo est dans un état pas possible. Sur la route neuve déjà l’eau et la boue ont commencé leur travail d’érosion, de petits trous, des zones craquelées, et surtout la route est recouverte d’une pellicule de boue allant de quelques millimètres à quelques centimètres, je pédale plus que je ne pousse, maintenant j’arrive à pédaler à 5,4 sans tituber et je trouve que c’est moins fatigant de pédaler que de pousser, et puis avec mes pneus lisses aux pieds je glisse. Une dizaine de camions va me dépasser, Eux-aussi roulent de préférence le matin de bonne heure, puis ce sera environ un véhicule toutes les 20 minutes, j’ai perdu mon ambulance, ce ne doit pas être son secteur. On m’avait dit environ 16km, 2 heures de carosse et que il n’y avait rien dans le paramo, ni boutique ni restaurant, au kilomètre 9 (je pense être à la moitié de la montée) un garage, un magasin de boissons, et un genre de café, je monte, je monte, le paysage est grandiose comme d’habitude et j’atteins presque facilement le paramo et ses frailejones, mais la route continue et remonte des gorges magnifiques. Une vierge sur un promontoire m’intrigue, elle est décorée de phares de voiture, je m’arrête, je visite, quand même dans cyclotourisme il y a tourisme, pas que cyclo. L’édifice sert aussi de belvédère, le torrent qu’il surplombe est tumultueux et jaune, plus loin une voiture accidentée est élevée en oeuvre d’art, rappelant à tous que l’endroit est dangereux. Devant la vierge un bus s’arrête, un garçon d’une douzaine d’années sort, je le vois ouvrir une porte sous l’édifice de la vierge, je pense qu’il y a des toilettes. Une fois le bus reparti j’y vais, j’ouvre la porte, je suis surprise par une grande bouffée de chaleur et que vois-je ? Plein plein de bougies, sur l’autel il n’y a pas de places pour toutes, alors il y en a même par terre. La Colombie est très chrétienne, après le rituel des questions « de donde viene ? A donde va? »(d’où venez-vous, où allez-vous, c’est souvent « quelle est votre religion » et quand je dis « catholique », on me rajoute « catholique, apostolique, romaine », beaucoup ici sont évangéliques. Et la vierge est partout sur la route, inscrite dans le monde d’aujourd’hui qui peut être tout y compris des pneus de voiture, et là des phares. Quant à moi je monte et j’attends mon col et ma descente, je vais les attendre très, très longtemps. Plus je remonte les gorges, plus le torrent devient petit et sage. Je sors des gorges et me retrouve dans une petite vallée, je me dis que ce serait bien de camper là, sauf que si il y a une pluie tropicale, je pense que le torrent deviendra fou et que je serai emportée, et soudain, au milieu de nulle part et des frailejones, alors que cela fait des kilomètres que je n’ai pas vu une seule maison : une école, impression de surréalisme, je ne cesse de vivre des expériences surréelles, la réalité de ce pays m’échappe, il est à la fois si semblable à la France, même organisation politique, nourriture un peu semblable, même sécurité sociale, et si différent. J’observe, j’engrange, je me pose des questions et j’essaie de comprendre. En attendant je monte, et moi je m’étais programmée pour monter à 4000 pendant 16 kilomètres, puis de me faire une super descente, non ce n’est pas ça, le paramo va durer des kilomètres, ça va monter, ça va descendre, il est 11H30, je commence à fatiguer et je manque de carburants, et soudain quatre ou cinq maisons et une cinquantaine de militaires qui sont tous là en position d’attaque ou de défense, tous ont leur arme en position de tir le doigt sur la gâchette, certains sont debout, d’autres accroupis, les 360° sont couverts, les visages extrêmement tendus, je murmure un buenos dias sans réponse, je passe mon chemin pas à toute vitesse, vu qu’une pente raide m’oblige à mettre pied à terre. Je suis plus intriguée qu’inquiète, je me dis que si ils lançaient une opération militaire ils fermeraient la route, mais j’ai palpé la tension de ces hommes et pour la première fois de ma vie j’ai senti la guerre. Deux cents mètres plus loin je profite d’un replat et d’un rayon de soleil pour pique-niquer, il faut que je mange, je ne peux plus avancer, cela fait quand même cinq heures que je fais des efforts. Ce n’est que le soir que j’apprendrais que je viens de traverser si ce n’est la, une des régions les plus dangereuses du pays. C’est en repensant aux visages extrêmement tendus des militaires que je me dis que le danger était bien là, mais ce n’est pas le seul danger de la journée, d’abord il y a eu mes forces qui faiblissaient, derrière une colline il y avait une autre colline,qu’il fallait monter et encore une autre et une autre, les vaches paissaient, les taureaux s’affrontaient, les chiens me couraient après et me montraient leurs dents, m’obligeant à crier, je klaxonnais aussi, et à chaque fois je perdais mon rythme et je m’essoufflais. Ici aussi il doit y avoir deux récoltes de pommes de terre par an, des sacs pleins attendent sur le bord de la route, et des champs sont en fleur, ce sont de toutes petites pommes de terre rouges. Je prends la pluie trois fois, j’ai froid, la température va descendre à 13° et quand le soleil pointera le bout de son nez le vent glacial anéantira ses efforts. Je mets mon anorak, puis l’enlève. A un moment j’entends un bruit très bizarre, je m’arrête aussitôt, oh la la l’anorak dans son sac plastique mal arrimé s’est coincé dans la roue avant, ouf les dégâts restent limités au sac plastique. Puis je m’aperçois qu’une petite pièce au niveau de la poignée du frein arrière est tordue, je crains que les freins ne lâchent. Quand enfin la descente arrivera je gère au mieux mon freinage. Un camion me gène, il va moins vite que moi, je le laisse prendre de l’avance plusieurs fois mais je finis par le rattraper, alors je le double… J’arrive à Belen, ville sale et pauvre, plus proche des villes du Vénézuela que de toutes celles de Colombie que j’ai traversées. J’ai vu aussi quelque fermes entourées de nombreux détritus. J’arrive transie, l’hôtel que je me fais conseiller est une relique d’il y a cinq cents ans, le lavage des draps doit aussi remonter à la même époque, quant à la douche qui est celle de toute la famille, je prends le jus, véridique, et me voilà pleine de savon, grelottante n’osant pas retourner sous l’eau, déjà que j’ai traversé la maison enveloppée dans ma serviette, faisant fuir un jeune homme, je me vois mal sortir toute nue en criant, alors courageusement j’y retourne, je fais attention de ne pas toucher de ferraille et quand je dis à la propriétaire que j’ai failli mourir électrocutée, elle me dit que c’est normal qu’il ne fallait pas que je touche le petit morceau de métal qui est au milieu du robinet. Elle le savait la garce, elle ne m’a rien dit. Elle m’a fait aussi payer très cher par rapport aux prix pratiqués ici, mais l’hôtel fait aussi salon de coiffure et manucure, voilà j’ai les ongles peints avec des fleurs, des tournesols, un papillon, le papillon il est sur le doigt qui pendouille, une vache, celle-là elle est pour Brigitte et tout l’atelier pictural, il y a aussi une île qui n’est pas dans les mêmes tons, mais ça fait un petit effet décalé pas mal. La jeune femme qui a passé une heure à me peindre les doigts me demandait tellement peu elle, que j’ai laissé plus. Donc 9 heures de vélo, une heure et demi de peinture d’ongles (il faut que ça sèche), deux heures d’internet, j’ai profité du très haut débit pour mettre les photos, le blablatage, l’écriture, je n’y arrive plus moi. Voilà pour les aventures d’aujourd’hui. Demain je ne risque pas d’éboulements, je suis dans une zone plus habitée, je dois quand même gérer avec les montées et les descentes, on m’a dit où m’arrêter pour dormir, deux grosses journée m’attendent encore. Je partirai quand même un peu plus tard sinon je ne vais pas tenir le coup…

Bisous tout le monde

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4 réponses à J64 : paramo pendant 60 km, premiers militaires prêts à tirer…

  1. Monica dit :

    Bravo ! Que d’épreuves en une seule journée. Mais à l’arrivée c’est toujours positif avec toi. Bon courage pour la suite
    Besos

    • Francoise dit :

      Coucou Monica, c’est toujours positif, peut-être surtout pendant les épreuves. Là je m’apprëte à prendre une décision lourde de conséquences : chemin de traverse ou tracer par l’autopista avec peu de circulation, j’ai tous les renseignements, après ce sera mon choix. Et au sud du pays il y a une zone de guérillera très dangereuse, c’est soit la guérillera soit la Pannam et ses camions tueurs, là je n’ai pas encore pris ma décision, je verrai en fonction des renseignements récoltés, voilà je suis prudente et sereine, et là un cadeau du ciel, Tunja une ville d’une beauté rare…
      Bisous

  2. Ce que j’aime bien avec toi Françoise, c’est que tes résumés sont deux fois plus longs que nos articles :o)
    Plus que deux jours et puis, promis, on rattrape notre retard.
    Que te vaya bien!

    • Francoise dit :

      Oué, bin là vous avez de la chance, tout va trop vite pour moi et j’ai plusieurs jours de blablabla de retard, je vais raccourcir, et encore bravo pour votre exploit et merci pour les photos, merci pour les compte-rendus toujours agréables à lire, et surtout courage pour le retour au pays. Muchos besos

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