J7 : une famille d’accueil exceptionnelle 2eme edition

Jeudi 27 janvier 2011

Musée archéologique d’Hacienda Limon – Portachuelo : 11km

Qu’il est difficile à écrire ce J7, pas tant par manque de temps que par toute l’émotion qui s’y rattache… Des gens, des inconnus, des pour qui j’étais une étrangère m’ont ouvert leur maison et leur cœur, en suis encore bouleversée…

Le matin réveil de bonne heure, je traîne un peu, il fait froid, et puis la tente est toute mouillée de rosée, j’ai un bon prétexte pour retarder mon départ, je dois attendre le soleil pour qu’elle sèche un peu, (au passage quand j’ai cru qu’elle était sèche je me suis aperçue qu’elle était sèche coté externe mais pas interne, mais je sais aussi qu’à partir de midi les nuages vont envahir les montagnes, alors je me presse un peu. Ca y est mon vélo est prêt, arrive la responsable du « camping », je lui demande ce que je dois, elle me dit que je donne ce que je veux, je lui réponds que je n’ai encore aucune expérience de la valeur de l’argent au Vénézuela et que j’ai peur de donner trop ou pas assez, elle réfléchit un peu et me dit 30 bolivares. Je parle un peu, ne suis pas une sauvage, ce que je pensais s’avère être exact, il s’agit ici d’une aire d’accueil pour les étudiants qui viennent au musée archéologique. Elle me demande de venir signer le livre d’or, ce que j’accepte volontiers, et voici encore une rencontre magique, je visite le musée, apprends plein de choses, j’ai l’autorisation de photographier, l’heure tourne, je pars il est 10 heures, je sais que j’ai 50km devant moi de route montante et ? Je pousse… Ce n’est pas la grande forme, je n’ai pas encore récupéré de mes deux jours de jeune et de la turista qui s ‘est installée, j’étudie la carte et me dis que vu l’heure, vu l’état de la route et de la pente et aussi l’état de mon corps il vaut mieux que je fasse étape au dernier village avant ma destination, soit Portachuelo, je croise la route qui vient de Chichiriviche, ma carte étant précise sur les environs de Caracas, je sais que je suis dans ce dernier village avant Colonia Tovar. Quelques maisons, dans la cour de l’une d’elle de ce qui me semble être un ferrailleur deux personnes travaillent :

–       Où puis-je dormir . J’ai ma tente…

–       Ici

–       Là ? Chez vous, je peux mettre ma tente ?

–       Non, vous allez dormir dans la maison, mais je vous préviens il fait froid la nuit.

–       Ce n’est pas un souci j’ai ma tente

C’est vrai que la nuit il fait froid, cette nuit-là je supporterai mon duvet moins 35° et une couverture.

Et voilà, l’homme m’ouvre le portail, me fait rentrer mon vélo, la femme qui travaille avec lui me dit de faire attention aux chiens (ils sont trois, dont un chien husky, je verrai qu’ils sont menés à la baguette, j’apprendrai que comme chez nous les chiens husky sont rares et chers.

Je gare mon vélo,

l’homme me fait pénétrer dans sa maison, sa femme et la petite dernière, Daniela, 3 ans ont les mains plongées dans de la pâte et confectionnent de délicieux petits gâteaux secs.

Une fois les gâteaux enfournés, la femme me proposera à manger, je dis que je viens de manger ( c’est vrai un peu de brioche et de chocolat, le peu que j’ai pu absorber), elle m’offre un verre de jus de fruit

–       Désolée, je ne peux pas, j’ai la turista, j’ai mal au ventre (et je n’ose avouer j’ai aussi de la diarrhée)

–       Buvez, c’est très bon pour le ventre.

Je n’ose refuser, je bois, je m’attends à une grande catastrophe. La maison est spacieuse mais très sale, le ménage n’est pas leur priorité, je pense que leur vérité est ailleurs, je suis en train de prendre une de mes plus grandes leçons de vie. Damelis a les cheveux très noirs et le type indien, elle respire le calme et la joie de vivre. Sa petite fille lui ressemble, comme tous les enfants du monde elle est vive et pleine d’énergie, on sent déjà chez elle quelque chose qui, à nous occidentaux, nous échappe. Puis Damelis installe deux chaises dehors, nous parlons. Damelis me prépare une tisane à base de plantes médicinales qu’elle va cueillir dans son jardin, qu’elle me montre et me fait sentir, je ne reconnais rien. La tisane en plus, bien sucrée est délicieuse. Puis j’ai le droit à un massage du bras et une imposition de sa main sur ma main, sa maison ne touchait pas la mienne et j’ai senti une grande chaleur qui me pénétrait. Puis Damelis me parle d’une douche, et m’emmène sur un chemin, je me dis que la salle de bain est au fond du jardin, je prends mes affaires et la suis, quand je m’aperçois qu’en fait nous allons nous balader, je lui dis mon erreur, elle se marre et je vais changer mes affaires de douche contre mon appareil photos.

–       Allez-y toute seule, je vous attends.

J’y vais, au passage me perds (c’est une vraie maladie chez moi). Je me retrouve et la rejoins. J’ai droit à une leçon de botanique :

–       Voici le café

–       Là les avocatiers

Et plein d’autres fruits

–       Les mandariniers

Je suis obligée de manger une mandarine, elle est délicieuse, une mandarine cueillie sur l’arbre et mangée aussitôt ça n’a pas le même goût. Je suis de plus en plus affolée sur le devenir de mes intestins qui me torturent, mais je n’ai pas le choix .Puis nous admirons les montagnes perdues dans la brume, montagnes qui le matin laissent entrevoir la mer.

–       Pourquoi tenez-vous un bâton dans la main ?

–       C’est pour les chiens

Les chiens sont gentils et obéissants, juste ils sont à leur place. Tout ici semble à sa place et Damelis est comme à la fois enracinée dans la terre et légère malgré sa corpulence, comme faisant à la fois partie de la terre et du ciel. La petite Daniela grimpe dans les arbres, elle-aussi est de cette terre et du ciel à la fois. Nous nous arrêtons un peu pour regarder, bavarder, penser. Une amie de Damelis est venue la rejoindre, elle a un air un peu triste, est très mince, habillée « inn »les cheveux décolorés, elle glane ça et là quelques fruits, elle bavardera aussi, je répondrai volontiers à toutes leurs questions.

Après avoir visité le verger, nous nous dirigeons vers le potager, une seule plante pousse, je ne sais ce que c’est. Puis nous allons dans le champ de maïs, en fait c’était l’objectif principal de notre promenade. Le maïs est rare, ce n’est pas de la culture intensive, et je vais tout apprendre sur le maïs, c’est la base de l’alimentation des vénézueliens. Je commence par apprendre à les cueillir :

–       Non pas celui-là, il faut que la barbe soit noire

–       Non la barbe n’est pas assez noire

–       Non, pas celui-là non plus les feuilles ne sont pas assez vertes.

Nous nous amusons aussi, faisons des photos, rions… Une fois les deux sacs de maïs pleins nous remontons vers la maison, au passage cueillette de « lolo ». A peine rentrés les lolos sont transformés en jus et je dois en boire, oh la la, en plus il doit y avoir de l’eau pas potable, je bois et c’est délicieux, cela rappelle un peu le citron. Damelis me fait chauffer plein de bassines d’eau et m’envoie à la douche. Dans la salle de bains il y a une douche avec de l’eau froide dont l’arrivée est commandée de l’extérieur, voilà mon sceau plein d’eau à bonne température.

–       Je crois bien que c’est la meilleure douche que j’ai jamais prise

Et je le pense sincèrement. J’ai enfilé mes polaires car maintenant il fait très froid et l’opération d’épluchage et de grattage des épis de maïs a lieu dehors. Tout le monde vient aider. La femme qui travaillait comme un homme dehors et qui a le teint très clair et les cheveux gris, je n’ai pas très bien compris qui elle était dans la famille, elle est mince, contrairement à la majorité des vénézueliennes, a le teint très clair, comme d’ailleurs le mari de Damelis (mais est-ce son mari ? Je ne sais pas, est-ce le père des enfants ? Je ne sais pas) . Damelis a trois enfants, très différents, deux garçons d’une vingtaine d’années et la petite Daniela. La femme aux cheveux blancs donne l’impression d’être une forte femme et je le dis.

–       Vous aussi êtes une forte femme est sa réponse

–       Ah ?

Je n’en suis pas si convaincue, là je suis en piteux état, je n’ai pas récupéré de ma folle équipée et la turista me torpille le ventre, je ne sais pas encore que je vais connaître pire. Tard le soir l’épluchage et grattage de maïs se poursuit, puis arrive le mixage, je crois que ce n’est pas le bon terme, mais c’est mis dans un espèce de moulin à légumes solidement fixé à la table de travail, et il faut tourner, sort de ce maïs un lait blanc et crémeux, je n’ai pas très bien compris si c’était ce jus qui servait à faire les arepas, sorte de petites galettes de maïs.

–       Tenez, voici la première

Apparemment, ce n’est pas comme pour nos crêpes, la première n’est pas raté et c’est un honneur d’avoir la première. Nous ne mangerons pas vraiment à table, par la suite j’observerai que les vénézueliens mangent un peu n’importe où, un peu à n’importe quelle heure, souvent et rapidement, et que notre sacro-saint rite du repas familial n’existe pas vraiment ici. Je mange plus que je ne peux, c’est à dire deux arepas, le fromage de chèvre rappé est très salé, et la margarine aussi. Comme boisson de la tisane, toujours de je ne sais pas quoi, mais pas la même que tout à l’heure et toujours aussi délicieuse. Une fois le repas vite avalé l’ainé des garçons sort une espèce de guitare à quatre cordes. Puis ce sera chants et danses, et quant à la question

–       Quel est le président du Venezuela ?

Je réponds dans ma grande ignorance :

–       Simon Bolivar

C’est un grand éclat de rire général, vu qu’il est mort il y a 100 ou 200 ans ! Alors on va me chercher Charlie, l’actuel président. Bientôt ce sera l’heure de dormir, mais avant j’ai droit à une grande séance de massages.

–       Vous êtes d’origine indienne ?

–       Je suis indienne

–       Damelis va chercher son collier de perles, s’en pare, continue ses savants massages, tout y passe, y compris les pieds, elle devine tous mes maux et m’en débarrasse, devant l’état de mes jambes (hématomes, nombreuses piqûres et plaies diverses, elle va m’appliquer différents onguents. Puis nous allons nous coucher, je supporterai une couverture en plus de mon duvet. Au réveil je vais encore être gâtée :

–       Mangez ça c’est bon.

Le ça en question est une arepa fourrée à l’omelette aux oignons. Je mange, j’ai du mal, je sens que ça ne va pas passer, et ça passera, et même la turista passera. Je ne savais pas qu’elle allait revenir plusieurs fois. Au jour où je vous écris (repos du 9 février à Bocono) la turista ou plutôt les turistas semblent être de lointains souvenirs. Puis arrive l’heure du départ, mais avant de partir il faut que j’écrive quelque chose sur mon fanion, alors sur les conseils de Damelis j’écrirais : « cuidado abuela », cela veut dire : « attention grand-mère », et ce « cuidado abuela » m’ouvrira bien des portes. Puis le drapeau il faut qu’il soit bien fixé, non je ne peux pas partir comme ça, l’homme de la maison va chercher une clef Allen, qui se dit aussi Allen en espagnol et refixe au bon endroit mon porte-fanion. Il est 10 heures, trop tard, et je pars, laissant derrière moi une famille exceptionnelle, mais avant, ouf j’ai du réseau, je peux appeler ma fille et la rassurer, je ne sais pas que c’est la dernière fois que je lui parle avant longtemps, je ne sais pas que je vais devoir me passer de téléphone. Et puis aussi je dois téléphoner à une amie de mon indienne et à sa mère, je ne m’en sors pas trop mal malgré mon absence de maitrise de la langue. Dernier cadeau : une plume d’indien pour me porter bonheur

Voilà, c’était juste une famille qui à la question :

–       Où je peux dormir ?

A répondu spontanément :

–       Chez nous

Je voudrais juste leur dire merci, merci pour cette grande leçon de vie.

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