J168-J181 : la vuelta J3 : garde à vue mais surtout dur…

Samedi 9 juillet 2011

Shiran – Bivouac à 2223 mètres sur la route 10A qui relie Trujillo à Carajabamba

Distance parcourue : 26,15 km

Vmoy : 4,9 km/h Vmax : 31,1 km/h

Température : minima : 17°, maxima : 36°

Dénivelée positif : 1431 m

Dénivelée négatif : 10 m

Heures sur le vélo : 5H19’01 »

Départ : 8h25

Arrivée : vers 16 heures

Résumé de la journée

  • Objectif : Otuzco
  • Conditions météorologiques : soleil, douce chaleur, des coups de vents frisquets dans quelques virages puis vent très glacial, froid
  • Etat de santé : bon
  • Particularités de la journée : suis en garde à vue pendant 10km, soit 2heures 30, oué reescorte de la police, je me tiens à carreau, je n’ai pas envie de finir dans leur fourgon, je vais me monter presque 1500 mètres de dénivelée, mes jambes sont très limites, j’en veux à tous ceux qui m’ont forcée à un arrêt si long… Mon vélo : un petit bijou, je vais pédaler plus de 1000 mètres de dénivelée, puis je pousse, je sens que je suis partie pour une grande galère, l’heure avance, je suis en pleine montagne, les camions qui roulent de nuit vont m’assaillir, pas un endroit plat où poser ma tente quand un restaurant m’accueille, je pique aux poules leur coin de pelouse, je vais rencontrer une petite fille de 9 ans à l’oreille parfaite, stupéfiant, chaque mot, chaque phrase dite en français elle les répètera sans faute de prononciation et sans accent. Ici en pleine montagne de l’eau mais pas de télévision, pas de réseau, pas de téléphone, pas d’électricité, je suis bien dans ma tente
  • Je voulais intituler cette journée « garde à vue », oui parce qu’hier la police est venue me voir pour savoir où j’allais, à quelle heure je partais.

Ce matin à 8 heures ils étaient là, et voilà, ils m’escortent, je n’aime pas vraiment ça, je ne vais quand même pas traverser tout le Pérou sous escorte policière. Au début ça m’amuse je regarde combien de mètres ils laissent entre eux et moi, ils laissent 500 mètres, ça va… Oui mais les 500 mètres c’est dans la ligne droite car après dans les virages ils me gardent toujours en ligne de mire, devant, derrière…

Les mêmes zoumés, j’ai vraiment du m’arrêter pour mettre ma casquette sous peine d’insolation…

Du coup je ne monte pas à mon rythme, je vais trop vite, je ne bois pas assez, je ne prends pas de photo, de toute façon je ne peux pas si je m’arrête je ne repars pas… Quand même je dois boire, je profite d’un moment où je ne les vois pas pour boire, pour repartir je me mets de l’autre coté de la route, oui c’est le seul moyen pour moi de repartir, traverser la route pour ne pas avoir trop de pente, ils choisissent ce moment pour arriver à ma hauteur, ouf ils ne m’arrêtent pas. Je me tiens tranquille, je fais en sorte de ne pas les perdre, de toute façon il n’y a pas d’autres routes… Oui je me tiens tranquille car maintenant je connais la sanction : arrestation, hop dans le fourgon, ça me plait pas trop ça… Au km 10 après Shiran ils me lâchent, je me dis que ce n’est plus leur secteur et qu’une autre voiture va prendre le relai, ou qu’ils sont partis manger ou boire. Non ils m’ont enfin délivrée. Je retrouve ma liberté…

Je peux enfin faire les photos à la con..

D’autres choses vont dominer cette journée…

  • Il y a la femme chez qui je logeais qui voulait m’escorter avec sa moto et sa fille sur sa moto…Laquelle fille hier a pleuré toutes les larmes de son corps car je partais et qu’elle avait peur qu’il m’arrive quelque chose, j’ai essayer de la consoler et de la rassurer comme je pouvais…

Il y a le beau, oui, le beau de chez beau, je commence par remonter un canyon bordé de falaises ocre pale et de blocs comme coupés au couteau (mais grand le couteau)

Parfois le tranchant laisse place à des courbes voluptueuses…

Puis j’arrive dans une montagne encore cultivée…

Mon Dieu que la montagne est belle…

Il y a les sacs de pommes de terre qui se mettent à jouer dans le fluo…

Les arbres ont disparus, la montagne va être de plus en plus pelée, de plus en plus impressionnante, et ça monte, ça monte sans répit…

Le torrent m’enchante…

La nature repart dans sa peinture abstraite…

Le temps va être super, pourtant ce matin il y avait des nuages, ce que l’on appelle chez nous les cumulus de beau temps, mais ici tout est tellement différent… Ici soir et matin il fait frais et les nuits sont froides… Mais dés le départ je me découvre et garde quand même mon collant… L’escorte policière ne me permet pas de faire ce que je veux, j’ai tellement peur qu’ils m’embarquent, je garde donc mon collant, je vais le regretter quand il fait chaud, je vais le savourer dans les petits coups de vent froid de la Cordillère et quand il va se mettre à faire très froid je suis super contente, car avant de me couvrir il faut que je trouve un endroit à peu près plat,où je risque pas trop de me faire accrocher par une voiture.

Ma béquille cassée me gène beaucoup, elle tient un peu, je me suis bricolée deux trucs pour mettre les deux freins, n’empêche à un endroit où je m’étais arrêtée pour l’un des deux pique-nique mon vélo est tombé, j’étais à coté en train de farfouiller dans la sacoche à nourriture, j’ai pu amortir la chute, pas de mal ni pour le vélo, ni pour moi, mais pour le relever c’est autre chose, j’appelle à l’aide l’homme qui travaillait en face ( il fabriquait des chaises), il se précipite, à deux on relève, non sans mal mon vélo, avec tout ce que j’ai en plus pour le vélo, maintenant il pèse une tonne. Au fait je parlais du temps, quand j’ai du me couvrir à cause de l’altitude et du vent (n’oublions pas qu’ici c’est l’hiver) j’ai quand même du enfiler un pantalon polaire, ma polaire orange, mon anorak, mon coupe-vent, mes mitaines, gants polaires et changer casquette contre bandeau polaire. Je quitterai vite mon bandeau polaire et un gant, oué un seul, pas deux…

  • Mille autres dangers me guettent…

Les éboulements…

Les chutes de pierres, je les entends tomber, mais là plus du gravier que des pierres…

Même les maisons ici ne résistent pas…

Et il y a aussi danger d’explosion

 Mon vélo va tourner, une petite merveille… Quand je grimpe dessus je me dis que vu la pente je vais avoir du mal à démarrer, et bien non ça roule… Je vais ainsi pouvoir rouler 1088 mètres de dénivelée sans jamais pousser… Je m’arrête peu car la pente est rude et les démarrages difficiles… Y a pas je n’ai plus le même vélo… Les 34 dents au lieu des 32 ça se sent… Toute l’énergie que je perdais dans le jeu du pédalier et des pédales je la récupère pour avancer… Les freins ne freinent plus dans la montée… Bref j’ai entre les mains un petit bijou, j’espère qu’il ne va plus casser..

  • Mais c’est dur de chez dur, oui je vais souffrir, d’abord je vais au-dessus de ma vitesse avec l’escorte policière… Je vais quand même me faire presque 1500 mètres de dénivelée, ce qui pour une reprise est bien trop… A mon premier pique-nique, soit vers les 10 km, je sens mes jambes très très limites, elles tremblent, je sens qu’une chiquenaude me mettrait par terre et qu’il me faudrait de 3 à 7 jours pour repouvoir marcher. J’hésite à manger assise au bord du fossé car ce fossé peut haut (50cm) il va falloir que le remonte, j’y vais très précautionneusement, je sais qu’un mouvement brusque peut me paralyser, ça passe, je mange ships pain galettes au chocolat, je termine le coca, n’en ai pas pris assez. Je me dis que je vais avoir du mal à rallier Otuzco… La route ne va que monter… Je me dis que j’ai vraiment bien fait de n’être pas partie la veille après m’être couchée à des points d’heure… J’en veux à la terre entière, d’abord le sort qui m’a donné cette maladie, les voleurs, la banque, le marchand de vélo, oué tous ceux qui ont fait que j’ai du m’arrêter onze jours, je sais que pour moi cinq c’est le maximum, une semaine ça peut passer, au-delà c’est la cata… J’essaie de gérer cela au mieux (les muscles et aussi la haine…) et profite un max du paysage, de l’excellente route presque déserte, du beau temps, de mon vélo qui tourne, et de mes jambes qui tournent quand même…Arrive le kilomètre 20, je repiquenique, reproblème du fossé, suis extrèmement prudente, pas de mouvement brusque, la chaleur de l’espèce de pont en ciment du fossé fait du bien à mes jambes, je me force à manger, je n’ai pas faim, je suis épuisée de chez épuisée, je n’ai pas assez de coca mais j’ai de l’eau en quantité suffisante. En quittant mon deuxième pique-nique je perds une bouteille vide, je dis à l’homme devant sa maison que c’est pour la poubelle, que ce n’est pas bien de la laisser dans la rue mais si je m’arrête je repars plus il la ramassera et m’assurera qu’il va la mettre à la poubelle, l’avantage de monter lentement c’est que je peux discuter avec les gens… Je n’ai ni problème respiratoire ni cardiaque et ma maladie musculaire m’empêchant de trop forcer et m’otant presque toute graisse protège mon cœur… Faut quand même bien que j’ai des petits avantages… J’interroge ( tout en pédalant, je vais vraiment pas vite…) l’hoome qui a ramassé ma bouteille sur la distance qu’il me reste à faire pour rejoindre Otuzco, horreur c’est à 18km, moi je pensais qu’il m’en restait 10, je peux pas faire 18km de montée dans l’état où je suis… L’homme me dit que la route monte un peu et qu’après c’est plus plat… En fait de monter un peu, je monte encore 500 mètres…

Ca c’est le plat à la péruvienne…(regardez bien la route en bas…)

Du coup au lieu de m’arrêter là où il avait un tout petit village et où j’aurais pu bivouaquer je m’engage dans une montagne très montagne, il fait froid, il y a du vent, il n’y a plus une maison et pas un endroit plat où poser ma tente…

Je n’ai plus qu’un objectif, sortir de cette montagne avant la nuit et aussi avant que les camions ne reviennent. Oui cette route a la particularité d’être déserte dans la journée et d’être un défilé ininterrompu de camions à partir de17 heures 30, 18 heures, je me vois mal dans cette route de montagne perdue au milieu des camions… A 15 heures commence le défilé des bus avec les camionnettes qui doublent et qui ne font aucun cas de moi et moi je suis nase de chez nase, je vais pousser. Pendant une heure je pousse bien, mais après je faiblis, oh la la, je sens que je me prépare une galère d’enfer. Arrive trois maisons, il y a aussi trois personnes à coté, je demande l’hospitalité, ils ne sont pas chez eux, je ne peux planter ma tente à coté, le terrain est trop pentu et je vais finir dans le précipice, ils m’expliquent que si je m’installe chez les gens je vais me faire virer, bon je prends pas le risque, ils me disent que plus loin il y a un endroit plat avec des maisons, j’espère qu’il dit vrai car je pousse, je m’arrête, je pousse, là c’est dur.

Ouf il dit vrai. En fait c’est un restaurant mais qui ne sert que les petit-déjeuner (qui ici est un vrai repas) et le repas de midi. J’arrive à temps car la dame part à l’église, ils sont adventices, elle me propose de l’accompagner à l’église, non, non, non, même pour faire plaisir je peux pas, elle me dit qu’elle me fera manger ce soir.

Pendant que j’installe ma tente dans le coin d’herbes pour les poules, des camionneurs arrivent, leur moteur chauffe, oui ici comme au Vénézuela et en Colombie les camions souffrent autant que les bicyclettes. Ils me prennent pour la maitresse de maison, je dois vraiment commencer à faire couleur locale, je leur dis que la dame est partie à l’église, elle doit revenir vers six heures mais que je pense (et je le pense sincèrement) que si elle était là elle leur accorderait l’autorisation sans problème. On parle un peu, je sais pas pourquoi mais sur la route avec les camionneurs le courant passe, peut-être qu’eux et moi on sait les difficultés de la route…

  • Voilà cette famille m’accueille chez elle, ils font aussi épicerie, je refais le plein d’eau, de coca, de pain, de papier toilette, j’achète aussi des allumettes, je n’ai pas l’intention de cuisiner mais maintenant j’ai du gaz et ça peut servir pour recharger mon truc à chaleur pour les mains. Je vois des œufs, je demande si je peux commander deux œufs durs pour le lendemain, oui c’est possible. Le soir je mange à la table familiale, je suis invitée, je ne paierai pas, elle me propose aussi une chambre, mais je suis bien dans ma tente et la rassure sur le fait que je n’aurai pas froid. Il y a trois enfants, Stéphanie 9 ans, Mélanie 4 ans et Franco deux ans, le père est plus effacé, la mère s’appelle Esmaralda. La petite Stéphanie a une intelligence vive et l’oreille parfaite, c’est impressionnant cette petite répète tout ce que je dis en français parfaitement sans accent et du premier coup, c’est vraiment impressionnant, je dis aux parents qu’elle devrait faire de la musique et étudier les langues étrangères, ici pas d’électricité mais l’eau qui vient de la montagne et un groupe électrogène loin, donc pas de bruit, pas de télévision, pas de réseau non plus, mais une école pas loin…
  • Voilà, une journée extra qui aurait pu se terminer en galère, mais là je suis super bien dans ma tente et j’ai les étoiles et la lune à l’envers…
  • Demain je ne sais ce que je vais faire, il faut absolument que je fasse le détour par Otuzco pour retirer de l’argent à un distributeur automatique car je ne vais rien avoir pendant plusieurs jours, Otuzco est à 5km de la ville, et je ne suis pas encore à Otuzco et 5KM ici ça peut prendre plus d’une heure… Bon je verrai

Bisous tout le monde

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