J168-J181 : la vuelta J4 : dur, très dur

DImanche10 juillet 2011

Bivouac à 2223 mètres sur la route 10A qui relie Trujillo à Carajabamba – Allgapampa, petit village perdu dans la montagne à près de 3300 mètres d’altitude

Distance parcourue : 18,97 km

Vmoy : 4,4 km/h Vmax : 36,1 km/h

Température : minima : 17°, maxima : 36°

Dénivelée positif : 1431 m

Dénivelée négatif : 10 m

Heures sur le vélo : 4H13’43 »

Départ : 8h35

Arrivée : vers 16 heures

Résumé de la journée

  • Conditions météorologiques : soleil, des coups de vent froid, puis orage menaçant, vent glacial froid, 3 gouttes de pluie dans une région aride de chez aride
  • Objectif : avancer, trouver un endroit où dormir, passer à Otuzco pour retirer de l’argent
  • Etat de santé : bon
  • Particularités de la journée : la route va monter, monter, monter pour atteindre 3300. Je prends un bus pour aller à l’unique distributeur automatique du coin, il marche pas, je vais encore crever de faim… La belle route se transforme en piste très difficile, pierres, gravier sable, ça dérape un maximum, grand soleil et chaleur puis des coups de vent glacial, menace d’orage qui tombera ailleurs, nuit dans un hôtel dans un tout petit village avec électricité mais eau que quelques heures très tôt le matin. Je réussis à faire tomber trois gouttes de pluies dans cette zone désertique, paysages somptueux, canyon puis montagne pelée, rares maisons.

La nuit fut quand même un peu perturbée par quelques camions qui passaient. Pourtant la dame du restaurant m’avait dit qu’ils s’arrêtaient tous sur son parking pour dormir…

Pendant que le tapis de sol de la tente sèche de l’humidité du carré d’herbes des poules (ils arrosent parce que c’est sec de chez sec, j’ai pu laisser mes vêtements à sécher dehors, malgré le froid il n’y a pas un brin de rosée,les vêtements sèchent à cause de la sueur car je ne lave plus rien…, là où j’ai dormi hier de l’eau mais pas d’électricité, là où je dors ce soir de l’électricité mais de l’eau que très tôt le matin, la dame de l’hôtel m’a fait chauffer de l’eau puisée dans un tonneau de réserve, maintenant les réserves sont vides jusqu’à demain et moi je suis en entreprise de réchauffage maximum avec mes doubles duvets… Je crois que je vais continuer mon projet comme je l’ai fait en Equateur, attaquer la Cordillère de front, mais c’est très très dur, on m’avait dit que c’était dur, c’est plus que ça, en plus moi je corse avec mes chemins de traverse, de temps en temps redescendre, non sur la cote, elle est froide aussi mais coté selva comme ils disent ici, coté Amazonie, histoire de me recharger en chaleur, certes ça oblige à se rehisser là-haut, mais allez on verra bien… On m’a promis du moins 20 en Bolivie en Août, mais comme en août je serai pas encore arrivée en Bolivie… Donc pendant que mon tapis de sol sèche je charge mon vélo en empêchant les enfants de s’approcher car avec ma béquille cassée le vélo est très instable, aujourd’hui encore il est tombé, j’ai amorti le choc et me suis fait mal au bras, bon c’est pas grave, donc pendant que mon tapis de sol sèche, je charge et impossible de mettre la main sur mon compteur, ça me fait presque aussi c…. que ma carte bancaire… Pourtant j’essaie d’avoir un minimum d’ordre car chercher les choses 3 heures c’est pénible… Après 6 mois de voyage les choses commencent à trouver leur place, il faut dire que c’est très compliqué, il faut trouver l’équilibre du poids depuis les accrochages bus, camions je mets l’ordinateur coté droit, il y a une sacoche réservée à la nourriture et à la boisson, une pour les affaires dont j’ai besoin le soir et tout rentre pas, alors le reste je cherche encore… On peut pas imaginer comme c’est des fois difficile de se transformer en escargot (oué aller lentement en transportant sa maison), je panique un peu, vu que d’habitude je mets mon compteur toujours à la même place, finalement je le trouve dans la poche d’un autre vêtement, cela a permis au tapis de sol de ma tente de sécher. A propos de tente, pour le sieur Janodou puisque nous avons la même tente, je trouve que le point faible de cette tente est le tapis de sol, moi j’ai un trou et aussi il y a des endroits humides, la sagesse serait d’avoir un autre tapis de sol pour mettre sous la tente, mais c’est du poids en plus… Dilemme cornélien… La sacoche avant Gosport que je croyais qu’elle passerait pas la première frontière et bien elle, elle a pas de trous alors que les deux Vaude arrière en avaient… Oué en avaient parce qu’à la casa de ciclista les autres fêlés ils m’ont tout réparé… Après les au revoir je pars.

Celui qui m’a dit qu’Otuzco était pas loin et que après la montée c’était plat est quand même à 500 mètre au-dessus de l’endroit où il m’a dit que c’était pas loin…

Je pars, je pédale bien, il fait beau, chaud, tout va pour le mieux.

Je remonte un superbe canyon.

Aussi superbe en haut qu’en bas…

Au bout d’une heure je suis à la bifurcation, j’adore ces endroits, il y a les gens qui attendent les bus, les bus qui passent, les vendeurs de trucs à manger, et quelque chose de spécial, je ne saurais dire, quelque chose du voyage…

Je me renseigne, Otuzco est à 5km, c’est plat, je ne les crois pas… Il y a bien un distributeur automatique d’argent ouvert le dimanche, j’ai une idée, je laisse mon vélo sous la garde de la personne qui tient l’épicerie et je prends le bus.

Horreur le distributeur est « en maintenance », en d’autres termes il est HS, je reprends le bus pour retourner sur mon chemin, si j’y avais été en vélo j’aurais eu la rage, là j’ai perdu deux heures et le temps c’est vraiment de l’argent car toute journée supplémentaire va me couter en nourriture et boissons… J’ai calculé qu’en faisant gaffe je devrais tenir jusqu’à Santiago de Chuzco où on m’a dit qu’il y avait une banque et un distributeur d’argent, il va falloir que j’allonge mes journées, je n’ai pas envie de partir trop tôt, je suis à 3300 et c’est l’hiver, ça correspond un peu à nos 3300 en été, le chaud est chaud et le froid est froid et si menace d’orage je stoppe. Si je n’arrive pas à récupérer de l’argent, il ne me reste plus qu’à prendre le bus et retourner à Trujillo, ils délivrent au compte-goutte, c’est compliqué mon histoire, je suis vraiment au bout du bout du monde… J’ai une idée si je n’ai plus d’argent pour prendre le bus la police, je suis sûre qu’ils feraient sans problème, mais c’est dangereux, ils conduisent n’importe comment…

Otuzco est plus un grand village qu’une ville, mais très animé avec plein de petits commerces.

Du bus je repère ma route, c’est pas triste…

Je ne pique-nique pas à la bifurcation, le vent est trop glacial, je descends vers le rio,le vent souffle moins.

Après la bifurcation commence la piste. Eric le hollandais il avait raison, c’est très très très dur, c’est pas possible de pédaler même à le descente…, pierres, gravier, sable, même en poussant je dérape un max, le vélo dérape, mes chaussures dérapent, et quand je prends un virage par le haut,(c’est plus facile), je me retrouve dans le trou… Je vais quand même réussir à pédaler trois ou quatre fois, et une fois je subis une attaque de trois chiens, je suis obligée de mettre pied à terre, je ne repars pas… Je vais croiser la police lors d’une autre attaque de chiens, ils m’aident à m’en débarrasser, je leur explique mes morsures, ouf c’est pas ici ils ne sont pas responsables, je dis que je vais finir par les tuer ils rigolent… Toujours à propos de chiens, Eric le hollandais qui s’est aussi fait mordre a un truc à ultrasons, ça marche quand ils sont loin mais pas près, le mieux ce sont les pierres, ça charge encore le vélo, mais des fois l’attaque est si rapide qu’on ne peut rien faire…Dans un virage j’ai un peu gêné un camion, il a du reculer et prendre son élan pour passer, oui la route est très très difficile, mais lentement et sûrement je monte car je vais atteindre presque 3000 mètres. Le ciel devient très très noir, l’orage menace, trois gouttes de pluie tombent, la région est super aride, c’est pas après moi le déluge, c’est sur moi… Je me renseigne « L’orage va tomber ? » « Oui » « A quelle heure ? » «  Vers cinq heures », moi je veux bien tout sauf l’orage…

Je décide de m’arrêter, cinq maisons, je crois que je suis à Allgapampa, je fais tomber mon vélo, j’ai tout le mal du monde à trouver un endroit où le poser, j’ai autant de mal à trouver un endroit où poser ma tente, il faut dire qu’il y a le restaurant, le coin pour les deux vaches et le cochon, le cimetière et un champ de cactus. Une dame me dit de continuer, que à la « vuelvita » il y a tout ce qu’il faut et des hôtels. D’abord la vuelvita ça ne m’inspire pas, depuis que j’ai appris que ahorita c’était bien plus tard (pour ceux qui ne comprennent pas l’espagnol ahora c’est maintenant et le suffixe ita c’est petit), et bien un petit maintenant ça peut être dans plusieurs heures… Et un petit vuelva ça peut être de l’autre coté de plusieurs montagnes, je vois bien que la route repart à l’assaut de la montagne. Je me fais préciser le temps de carosse, une demi-heure, soit pour moi une demi-journée, en fait ce n’est pas si loin que ça, et je monte bien.

A l’entrée du village la police, où je vais, etc, etc… Y a pas ici ils sont soucieux de ma sécurité… Dans le petit village une vieille rappelle que le Pérou c’était les indigènes avant…

Et dans les boutiques ils vendent de tout, même de la pharmacie… A Trujillo j’ai compris qu’il y a deux sortes de pharmacie, les vraies où il faut une ordonnance avec un tampon… Et les autres où ils vous vendent ce que vous voulez à des prix que je ne comprends pas, ou le prix est dérisoire ou il est hors de prix, ils m’ont parlé de générique mais je soupçonne autre chose ( ce qu’ils ont le droit de vendre et ce qu’ils n’ont pas le droit…)

Et vous savez ce qu’il m’est arrivé en chemin ? Un automobiliste en panne a sollicité mon aide, ça doit se voir sur ma tête que j’ai fait un stage de mécanique j’ai sorti tous mes outils, mais je n’avais pas la clef adaptée, et en plus il faudrait un marteau car dans ce continent tous les boulons et écrous sont grippés, les conditions météorologiques, la géographie sont vraiment très difficiles.

Même les maisons ont la vie difficile, d’ailleurs on ne sait plus différencier la naissance de la mort…

Les camions et bus me refont des coucous, ça y est je suis repérée… Et je me sens bien dans ce pays, je me sens bien aussi sur cette route très difficile…

Malgré le poussage, malgré le dérapage, malgré le sable et le vent qui pique les yeux, malgré les températures qui n’arrêtent pas de faire le grand écart, chaud, froid, froid, chaud, malgré l’orage qui menace, l’orage qui menace à 3000, j’aime pas du tout …

Ici les cairns n’ont pas la même utilité que chez nous…

Il faut se partager la route, euh non la piste…

Au milieu de ce dégradé de jaune le vert fluo me poursuit… Si je repeignais ma maison de cette couleur ? D’ici j’entends ma fille hurler…

Et le paysage ? Somptueux le paysage…

Je finis par sortir du canyon, je monte, je monte, je monte, il n’y a plus aucun arbre mais des zones cultivées, tout est dans les jaunes et ocre ou marron, quelques maison se dessinent sur les pentes…

Je suis bien, je suis dans mon truc, tiens c’est la Colombie, la pluie en moins, la poussière en plus, le vert remplacé par du jaune…

Tandis que je pique-nique un peu plus bas que le croisement, où il y avait un vent glacial pas possible, une dame me dit que l’arrêt de bus ce n’est pas là, mais je prends pas le bus moi. Comment ça je ne prends pas le bus ? Et quand je montre aux gens mon itinéraire sur la carte (parce qu’avant ils me disent que c’est pas possible d’aller à Huaraz par où je passe, et moi je sais que c’est possible), ah je fais la vuelta, mais pourquoi ? Juste parce que c’est mon choix, c’est dur mais j’assume, là je suis en plein dans les montagnes perdues, avec des gens vrais qui vivent dans des conditions très difficiles, des gens accueillants, et aussi ceux qui font cette route aussi difficile pour eux que pour moi, et au milieu de tout ça une grande solidarité, p’tet que quand je vais manger mon p’tit bout de plastique (la carte bancaire) je vais pas dire la même chose, j’aviserai en son temps mais je ne veux plus avoir faim et pédaler en même temps. En attendant je vais manger au resto, ça me revient moins cher que de manger mes trucs.. Mais mes trucs j’en ai besoin pour compléter… La nourriture, l’obsession de tous les cyclos…

Allez je vais bien, j’ai trouvé un hôtel glacial mais sympa elle m’a fait chauffer de l’eau, j’ai négocié le prix, je suis vraiment désolée mais ils ont qu’à délivrer plus d’argent et avoir des distributeurs qui marchent mais négocier pour gagner moins d’un euro ça me fend le cœur…

Je sens que je suis en train de bien renégocier mon acclimatation à l’altitude : dormir à 600, puis plus de 2000, puis là 3300, je me fais les super bons paliers… Au fait quand je pique-niquais une explosion m’a fait sursauter, c’était mon paquet de ships qui explosait… J’ai réchauffé une main, pas la deuxième, la soupe continuera de me réchauffer… Tu m’étonnes que j’ai froid, il fait 12° dans la chambre, dans ma tente il fait meilleur… Mais la menace de l’orage et l’heure qui avançait ont fait que je suis pas dans ma tente, et puis j’ai eu une douche chaude je peux tenir 8 jours de plus (pour le lavage), non je peux pas tenir 8 jours, l’argent, ah c’est compliqué le voyage…

Bisous tout le monde

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2 réponses à J168-J181 : la vuelta J4 : dur, très dur

  1. jean philippe dit :

    Oh! merci, merci infiniment de nous faire voyager comme ça… c’est si bon de te lire…

  2. Francoise dit :

    Merci de ton merci… Le voyage c’est plein de bonheur, c’est dur aussi, l’écriture c’est pareil… C’est comme quand on expose ses desseins ou sa peinture… On s’expose… Tant que l’on explose pas ça va… Bisous mon dessinateur préféré…

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