J376 : l’horreur ou qu’est-ce qu’il ne faut pas faire pour finir la nuit avec deux beaux et jeunes bergers argentins…

Lundi 30 janvier 2012

Hôtel de la station-service de Villa Media Agua – Bergerie à Sarmiento

Kilométrage : 49, 58 km
Heures sur le vélo : 5h40’O6 »
Vmoy : 8,7km/h Vmax : 11, 6 km/h
Températures : 23° à 47°

Ca va être assez une journée d’horreur, la route à quatre voies a fait place à une route étroite à deux voies sans berma.

La circulation est très intense (le lundi je crois qu’ils rattrapent le dimanche), un très fort vent contre souffle, regardez la vitesse moyenne sur goudron et sur du plat.

Je vais me faire désinfecter, oui c’est en fin d’après-midi, je suis nase, avec ce vent, la circulation, la chaleur et finalement ce point sur la carte qui n’était qu’un point sans rien… Arrive un espèce de contrôle, les véhicules dans le même sens que moi sont tous arrêtés, la personne qui est là dit quelque chose, apparemment ils ne présentent pas leurs papiers, je ne comprends pas bien ce qui se passe, j’essaie de savoir où on est et quand je vais trouver un endroit où me poser, l’homme fait partie de ces gens qui ont avalé leur sourire à la naissance, à part on est à Mendoza (il reste quand même 50 ou
70 km, je ne sais plus), je demande si je peux prendre de l’eau, oui je peux, en fait je me passe la tête sous le robinet , recharge mon réfrigérateur, et repars, et quand je m’engage dans le truc et que je vois écrit « fermez vos fenêtres », je comprends trop tard, un jet va me désinfecter les pneus de mon vélo et ma jambe droite, je suis un peu inquiète quelque temps, mais apparemment ma jambe ne se couvre pas de cloques, déjà que j’ai toute la partie antérieure de mon corps recouvert de boutons prurigineux (qui grattent), je pense que c’est une réaction au soleil ou à la chaleur)…

Le paysage est d’un inintérêt majeur…

Je vais quand même voir des chèvres et leur gardien à cheval (j’apprendrais que le cheval c’est pour protéger l’homme des épines qui couvrent cette terre)

Encore des hiéroglyphes que je ne peux interpréter, le culturé c’est quoi ?

10Km après mon départ plusieurs stands de vente de melons se succèdent, je suis rassurée, je me dis la région est habitée, je ne vais plus avoir mon problème d’eau et de ravitaillement, erreur, erreur, erreur, après il n’y a RIEN

Les melons peuvent être jaunes

 Donner dans l’artistique

Etre bien rangés…

Morts…

En vrac

Ou tristes et abandonnés loin de tout…

Après le RIEN il y a quand même des fleurs en forme de perles, dingue non ?

La première photo inutile du jour…

Sur cette route on peut continuer à étudier l’habitat des argentins :

Grande Finca (exploitation agricole)

Ou simple petite maison

Les portails d’entreprise

La deuxième photo inutile du jour

Et quant à avoir la tête dans les nuages, il vaut mieux éviter vu la circulation…

Sinon, il y a toujours du RIEN et du désert

Et ces dépôts blancs que je retrouverais un peu partout, c’est du sel, oui, la terre est très salée par ici, seules quelques espèces d’arbres peuvent pousser

Mon vélo à l’arrêt va tomber emporté par les turbulences d’un camion, là où on m’avait annoncé qu’il y avait tout, il n’y a rien, je ne trouve pas d’endroit pour bivouaquer, je suis dans une zone inondable.

Moi de toute façon, même 20cm je crois que je ne m’aventure pas

Je suis épuisée, je comprends bien que je ne peux planter ma tente là.

Au moment où mon vélo vient de tomber la police passe, elle fait demi-tour et vient à mon secours, non je ne suis pas tombée,  juste le vélo avec les turbulences engendrées
par les camions, où je peux dormir ? A 15km, et là c’est dangereux ? Oui, l’orage va tomber, pas ici, à San Juan, oué, il va tomber mais l’eau peut venir jusqu’ici, pas spécialiste en matière de météo la gendarmerie. De toutes façons les impacts d’orage sont difficiles à prévoir avec précision. Une fois en tant que médecin généraliste juste en face d’une usine, je sais pas si type seveso ou pas, j’ai  visité cette usine, ses risques ,ses moyens de prévention et ses systèmes de surveillance. C’était justement un jour d’orage, ils surveillaient tous les impacts de la foudre, super intéressante cette visite, j’ai appris plein de choses, là les choses intéressantes ce sera pour plus tard, là c’est plutôt du genre galère…
La police veut m’emmener au prochain point de repos soit-disant à 15km, je refuse, ils insistent, je résiste, ils abandonnent la partie en disant que j’étais bien une femme et que je suis folle… Ils m’escortent un moment, histoire de vérifier que je ne vais pas planter ma tente dans la quebrada, entre nous soit dit ils ont raison, vu que je l’ai déjà fait, mais je suis sage, je continue, ils m’abandonnent à mon triste sort…
Auparavant je me suis renseignée, aux arbres là-bas il n’y a rien, non il n’y a RIEN et je peux y mettre ma tente, oui, enfoncez-vous un peu à l’intérieur, en fait les arbres ne seront pas plus hospitaliers mais plus loin un arbre aux rubans rouges me semble sympathique, en plus on ne me verrait pas trop de la route.
J’inspecte les lieux, je vois ce que je prends pour une décharge,
puis j’entends un chien, puis je vois deux hommes, je m’approche avec mon bâton (pour les chiens, je ne connais pas encore le comportement des chiens argentins, les chiliens ils sont complètement amorphes). Oui, je peux me mettre là et même chez eux, ça c’est superchouette. Ils me laissent m’installer et se font très discrets.
Il fait très très chaud, je me douche toute habillée (bin oui, je respecte quand même mes hotes) avec une eau plus que
douteuse, mais à ce stade-là on oublie tout, les microbes, les
parasites

Nous prendrons le mate de hierbas ensemble, en mon honneur ils sortent une table en plastique, moi j’ai droit à un sachet, eux mettent dans un espèce de verre en terre les herbes et le sucre (ici pas de feuilles de coca), rajoutent au fur et à mesure de l’eau bouillante, aspirent le doux breuvage avec un genre de pipette, même godet, même pipette pour tout le monde, ils
me proposent de goûter, je leur explique que mon petit estomac fragile d’européenne ne veut pas. J’offre des galettes au chocolat délicieuses, ils en prennent une fois, après ils refusent, ne voulant pas entamer ma provision, j’arrive quand même à leur en refaire prendre une deuxième fois. Comme d’habitude ces gens qui n’ont rien m’offrent tout. Après une leçon de sciences naturelles sur les étranges animaux qui vivent ici

Je visite leur propriété :

Et admire les chèvres

Alors ils me racontent leur vie, l’un a 23 ans l’autre a 27, ils travaillent une semaine puis se reposent une semaine, deux autres prennent le relai. Si j’ai bien compris ils ne sont pas employés mais propriétaires, ils ont une trentaine de chèvres, deux chevaux qui leur servent à récupérer les chèvres quand elles sont parties trop loin. Ici difficile de circuler à pied, il y a trop d’épines. Et tous ces matériaux ? C’est de la récupération pour améliorer la bergerie. Ils cuisinent dehors au feu de bois, en général se font de la soupe et des fois aussi des pommes de terre avec des oignons. Comment ils occupent leur journée en dehors des chèvres ? Il y a toujours quelque chose à faire, le ramassage du bois, demain ils vont faire un auvent pour se protéger du soleil. Ici ni eau courante ni électricité. De l’eau dans des bidons. Les cinq chiens sont nourris au lait de chèvre. Ils vivent de la vente des chèvres, le lait c’est pour leur consommation personnelle. Le plus jeune raconte qu’il a vécu 5 ans à Mendoza, que beaucoup de ses amis sont morts, les armes là-bas sont nombreuses. Entre nous il y a quand même beaucoup de gène, j’ai peur de les gêner et réciproquement.

Je vais me coucher, il fait atrocement chaud. Ici pas de rosée m’ont-ils dit, je laisse la tente ouverte, deux sacoches sont sur le vélo, deux à l’entrée de la tente. Je suis déjà couchée, ils viennent me proposer de la soupe, je refuse, je sens que je les gène, et puis je me suis bourrée de galettes. Je vais les entendre jusque tard dans la nuit, l’un va chanter puis comme raconter des poèmes ou des légendes. Visiblement ces deux jeunes dans leur dénuement sont heureux de la vie qu’ils mènent… Mais eux-aussi pas spécialistes de la météo, l’orage n’est pas pour ici. Je m’endors très tard. Dans la nuit je me réveille, le ciel est super étoilé, une heure après c’est l’apocalypse. Un petit vent qui va rapidement devenir complètement dingue, je ne peux maintenir la tente de mon seul poids, elle est juste amarrée par des briques, je rapatrie les sacoches à l’intérieur, ça ne suffit pas, d’une main je m’habille, la très mauvaise idée de continuer à dormir dans a tenue d’Eve, de l’autre je tiens la tente, et je comprends que ça ne suffit pas, alors je fais tomber les arceaux et la plaque au sol, la grêle tombe, les éclairs fusent, le tonnerre gronde. Les jeunes sortent et me disent qu’il faut rentrer le vélo, je demande si ils n’ont pas un lit pour moi. Si ils ont. A deux on porte la tente remplie de mes affaires et de deux sacoches. Je suis en sandale. Je ne vois pas une aspérité du sol, à nouveau je m’explose, que des égratignures, le genou,  un orteil (encore), le coude. En trois minutes toutes les ouvertures de la maison sont fermées par des planches carrément clouées et je vais dormir douillettement dans un lit défoncé, et ce jusque 9 heures…

Bin dites donc, que d’épreuves pour finir la nuit avec deux jeunes et beaux bergers argentins…

En guise de remerciement je laisserai sur chacun de leur lit un bonbon menta chocolate…

Bisous tout le monde

 

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4 réponses à J376 : l’horreur ou qu’est-ce qu’il ne faut pas faire pour finir la nuit avec deux beaux et jeunes bergers argentins…

  1. JANODOU dit :

    Ton histoire est très émouvante.
    Est-ce que ton corps va mieux aujourd’hui ?
    Besos

    • Francoise dit :

      Je vais te faire une confidence, je ne me rends pas compte que je peux émouvoir, c’est comme si quelque chose m’échappait, c’est grave ?
      Oui, mes muscles vont mieux aujourd’hui, mais la lombalgie gauche est revenue en force (le manque d’exercice ? Peut-être faut-il que j’aille faire un petit tour en vélo ou un peu de natation ?)
      Bisous à toi et merci de m’encourager toujours

  2. Monica dit :

    Ces jeunes bergers, probablement très heureux de secourir un autre être humain en difficulté, étaient surement gênés de te faire entrer dans l’intimité de leur pauvreté.
    Histoire très touchante. J’aurai pleuré je crois.

    • Francoise dit :

      J’aime vos commentaires qui me font porter un autre regard sur ce que je vis, ce que je fais et aussi sûrement ce que je suis. Je n’ai même pas imaginé une seconde que je pouvais leur apporter du bonheur… Merci Monica
      Bisous

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