J216 : la route diabolique J4… Ca décoiffe

Mercredi 24 août 2011

? – ? la même chose, quelque part au Pérou à quelque part au Pérou

Distance parcourue : 39,13 km
Vmoy : 8,2 km/h Vmax : 26,2 km/h
Température : minima : 18°, maxima : 39°
Dénivelée positif : 347 m
Dénivelée négatif : 793 m
Heures sur le vélo : 4H45’42 »
Départ : 8 heures 40
Arrivée : vers 17 heures 30

Résumé de la journée

  • Conditions météorologiques : couvert le matin, rapidement beau et chaud, vent très violent en fin d’après-midi
  • Objectif : avancer, une fois la route goûtée je me fixe un objectif de 40km
  • Etat de santé : le genou se calme l’après-midi, de toute façon il a pas le choix
  • Particularités de la journée : décor somptueux, piste à de nombreux endroits difficile et exposée, ma tente se transforme en parapente et manque de m’emporter…

 Alors il s’est encore passé tellement de choses… Que je ne sais par où
commencer…

Le commencement de la journée…

Ce matin le ciel est couvert.

Je ne suis pas inquiète car je ne monte pas encore aujourd’hui et j’ai remarqué
que ces derniers jours ça se levait dans la journée pour se recouvrir en fin de journée. Je quitte mon super bivouac où j’ai failli mourir de peur la première partie de la nuit, me jurant de ne plus jamais recommencer, je vais recommencer le soir même et découvrir un nouvel ennemi…

J’ai quand même évité la crevaison…

Il faut avoir l’œil car les épines sont parfois cachées…

Je vais continuer à suivre le rio que je suis déjà depuis plusieurs jours,
théoriquement je le descends, mais la piste elle, monte et descend…

Toute la première partie de la route sur environ 8km sera difficile car dérapante et très mais très exposée.

Puis on va redescendre dans le rio (on c’est la piste et moi, nous ne faisons plus qu’un, il vaut mieux d’ailleurs car si elle m’éjecte, plouf dans un rio dont j’ignore le nom…)

La piste devient une vraie piste, par endroits on regrimpe sur les bords du canyon et ça redevient très exposé.

Je suis extrêmement prudente et roule plutôt à gauche coté montagne.
Entre camions et bicyclette la courtoise règne, le premier engagé passe, l’autre laisse passer, de toutes façons on ne peut passer à deux.

Les voitures elles passent, mais camions et voitures sont rarissimes… Il y a un bus par jour. J’ai discuté avec un chauffeur de camion pour savoir comment il faisait. Ils sont très attentifs à ne pas s’engager à deux et il compte sur sa bonne étoile « el buen suerte ». Il fait la route Huancayo -Ayacucho. A chaque fois qu’il dit au revoir à sa femme il ne sait pas si il la reverra. Tu parles d’un métier. Et moi qu’est-ce que je fais là ? Un vieille dame m’a demandé aujourd’hui c’était la coutume en France d’envoyer les « mamitas » (les petites grand-mères) sur les routes seules en vélo…

Il y a des endroits où à la place du précipice ils ont mis un toboggan…

Bon bin c’est vraiment dur…

Très très dur

Dur pour tous

C’est plus dur que dans la descente de Pallasca car là-bas je retenais, ici je
pédale… En fait c’est plus dur parce que c’est moins dur…

Heureusement les girafes continuent de veiller sur moi…

Et les rios traversent allègrement la piste

Le décor de la mamita :

Un rio

Un canyon somptueux dans lequel elle trempe depuis plusieurs jours…

La mamita elle-même : extrêmement concentrée dans les parties exposées…
Après réflexion elle s’est dit que entre tomber de 50 mètres et tomber de 500 mètres il n’y a pas de différence, que la mort est au bout, donc c’est dans la tête que ça se passe… Si il y a une différence, la taille de la petite cuiller avec laquelle on va vous ramasser…

Dans une partie « normale » de piste (c’est-à-dire là où vous ne risquez pas votre vie à chaque seconde) deux très jeunes filles l’accompagnent un moment.

Elles rentrent du collège, elles n’ont qu’un vélo pour deux. Le trajet dure entre une demi-heure et une heure, ça dépend si elles vont vite
ou « despacio », elles me conseillent d’aller despacio… A mon avis ça veut plus dire cool que lentement… Elles se mettent en tête de m’apprendre le quetchua, dans les montées c’est dur… En plus depuis que je sais qu’il y a à peu près autant
de quetchuas que de sommets dans la Cordillera Blanca, soit 680, j’ai revu mes objectifs à la baisse et me contenterai de parfaire mon espagnol. Comment on dit « celui qui conduit un camion en castellano ? » Chauffeur », mais c’est terrible ça, enfin un mot que je vais retenir facilement, et les bêtes qui m’ont
transpercée de partout et ail, ail ça fait mal, dans les autres pays quand elles piquent elles ne font pas mal. Oui en ce moment il y en a beaucoup, il faut mettre de la crème repellente. Mais j’en ai déjà mis. Bon j’en remets car ces sales bestioles (qui s’appellent Sancudo) font très mal au moment de la piqûre.

La « mamita » (depuis plusieurs jours c’est comme cela que l’on m’appelle, à mon avis j’ai du prendre un coup de vieux…), la mamita donc s’offre
deux pauses déjeuner, une à 10 heures et une à 14 heures 30.

Au fait la manzana ne serait-elle pas tout simplement une marguerite ? Les enfants n’essayer pas chez vous, ça peut être dangereux…

Parce que les chardons ils ont des fleurs de coquelicot jaune… Et j’ai pas maché
de feuilles de coca…

Et les maisons dans la prairie ont des balcons bleus, on dirait l’ancienne maison de Brigitte…

Et les cochons traversent la route « despacio »

La mamita elle traverse les rios…

Et regrimpe dans le canyon

Et laisse passer un camion…

Et il y a des endroits qu’elle aime pas du tout…

Lors de cette deuxième pause elle fait l’erreur de refuser l’hospitalité qu’on
lui propose, elle veut avancer, elle n’a fait que 30km et voudrait bien en faire 40. Elle fait là une très très grosse erreur car elle s’engage à nouveau dans un canyon étroit, la piste est elle-aussi étroite et très très exposée et… le vent s’est levé, extrêmement violent. Qui plus est il se fait tard et l’orage menace…

Elle est tentée de faire demi-tour, l’idée de descendre et de remonter ce qu’elle
vient de monter la retient.

Deuxième erreur.
Elle voit un camion arrêté, crois d’abord qu’il est en panne, en fait il récupère des pierres avec lesquelles si j’ai bien compris ils vont après les avoir meulées en enduire les maisons, serait-ce de la chaux ? Elle se renseigne auprès des camionneurs, est-ce que plus loin il y a un endroit plat où mettre la tente, oui il y a. Pas trop loin, non pas trop loin. Elle dit qu’elle vient d’avoir eu très
très peur avec le vent, le précipice, la route étroite et glissante, ils comprennent.

Quand même c’est beau…

La mamita voit un premier endroit plat, trop à coté de la route, elle réfute. Elle
en voit un deuxième dans les cailloux et les cactus, pas grand, pas loin du précipice mais ça devrait faire l’affaire. Il est très loin le temps où la mamita cherchait un coin d’herbe… Maintenant tout fait l’affaire, encore une erreur. Donc la mamita déplie sa tente trempée, tiens avec la tente trempée l’arceau rentre tout seul, preuve qu’il y a un problème. Elle regarde bien d’où vient le
vent, met sa tente dans le bon sens, attache tout avec de grosses pierres, et là tout d’un coup, sans prévenir le vent fait un 180°, forcit un max, les pierres volent la tente s’envole, la mamita plonge dessus, la tente se transforme en parapente avec rampe d’accès pour l’envol à 20 mètres, 19, 18, 17, 16, 15, 14, 13, 12, 11, 10, la mamita lutte, lutte, à plat ventre par terre (elle n’a pas appris la
mécanique des fluides, si elle avait appris elle saurait  que le vent dans la partie rétrécie du canyon garde sa vitesse et donc gagne en puissance, au fait pourquoi avec les voitures ce n’est pas pareil, je dis des bêtises, c’est pareil, si elles gardent leur vitesse ça cogne dur) donc voilà notre mamita qui lutte avec acharnement, à un moment le vent a failli gagner la partie, tout en luttant son cerveau travaille, elle reste bien à plat ventre, elle rabat la voile (défait les arceaux), ouf la partie est gagnée, bilan des opérations : un arceau tordu, un ongle cassé et tout le travail de la coiffeuse de Loja à refaire, la mamita elle ressemble à ça maintenant…

Inutile de vous dire qu’elle remballe son barda. Elle hésite à revenir en arrière
et puis non elle continue dans ce redoutable canyon, la lumière baisse, l’orage menace très fort, le vent souffle et que voit-elle tout d’un coup ? Une autre mamita qui porte deux lourds sauts d’eau.
Vous habitez là ? Oui, un peu plus loin. Je peux mettre ma tente à coté de votre maison ? Elle raconte qu’elle a eu très peur là-haut avec le vent. Oui, pas de problème. Un peu plus loin, un replat, pas de vent, deux maisons. L’une est fermée. Dans l’autre les chiens aboient. Un vieil homme sort. La mamita renouvells sa demande. Oui, pas chez moi à cause des chiens, mais de l’autre coté de la route il y a un campesito. Oh et puis non allez dans la maison fermée,
parce que dans le campesito il n’y a rien. La mamita explique que pour aller dans la maison fermée elle doit franchir une barrière d’épines, que son vélo ne va pas vraiment aimer et que de toute façon elle a tout ce qu’il faut. (Elle espère juste que sa tente n’est pas endommagée). Le campesito est une ancienne aire de repos pour camionneur, c’est parfait, la terre est rouge, pas de problème, quand je pense qu’avant la mamita cherchait un coin d’herbe… Et l’éternel « no se pasa nada aqui »: il ne se passe jamais rien ici. La mamita elle se dit qu’elle va les emmener un jour, seulement un jour avec elle, car avec elle il se passe toujours quelque chose…

Bisous tout le monde

P.S. Ai-je eu tort ou raison de lutter avec acharnement pour sauver ma tente au péril de ma vie ? J’attends vos avis, motivés bien sûr, sachant qu’ici il est impossible de se procurer une tente et que je préfère mourir que renoncer…

P.P.S. Ce jour à 13h45 heure locale péruvienne la parapentiste en herbe va vivre son premier tremblement de terre, magnitude 7, ni dégats matériels ni pertes humaines à déplorer, le tremblement de terre était très profond, la parapentiste n’a rien senti… Elle devait être dans les airs… Heureusement qu’il était profond car on m’a raconté le tremblement de terre de 1970 à Huaraz (peu de survivants…), quand la terre a tremblé la montagne s’est écroulée de partout, d’énormes blocs de pierres se sont détachés, d’énormes retenues d’eau se sont formées puis ont débordées, les inondations achevant les destructions liées au temblement de terre lui-même… Actuellement pratiquement tous les gens de la vallée ne sont pas originaires du coin, car peu ont survécus…

Rebisous

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