Mercredi 14 septembre 2011
Orcos-Sapichaca, hameau de 24 personnes sur la rive droite du rio Pampas
Distance parcourue : 34,13 km
Vmoy : 4,9 km/h Vmax : 17,3 km/h
Température : minima : 11°, maxima : 34°
Dénivelée positif : 0 m bon le compteur a un problème.. Que puis-je faire ?Dénivelée négatif : 0 m même remarque plus haut
Heures sur le vélo : 6H56’56 »
Départ : 7h55
Arrivée : vers 17h30
Résumé de la journée
- Objectif : je sais pas
- Conditions météorologiques :
couvert, pluie 2 fois une heure, ça se dégage dans l’après-midi - Etat de santé : l’épaule c’est pas ça
- Particularités de la journée : je livre une de mes plus grandes batailles, je vais retenir mon vélo pendant près de 7 heures sur une piste encore dérapante et pentue, le paysage va devenir spectaculaire, je rejoins le rio, plante ma tente près d’une case dans un hameau, ça y est j’ai entamé (de peu mais quand même) le troisième pic, ce soir il fait chaud.
Je suis en train de livrer une des plus grandes batailles de ma vie…
J’ai passé une excellente nuit, hier j’ai préparé toutes mes affaires et c’est parti…
Dommage qu’ils n’aient pas le même stock pour les vélos…
C’est plus difficile que je ne le pensais, sur la place du village ça va, mais après sur la piste je ne peux… Durant la journée je vais faire cinq essais de pédalage,
je ne peux, la douleur fait que je me sens très instable sur mon vélo, alors je pousse… Je vais compenser l’absence de vitesse (4,9 km/h à la descente, il faut le faire) par la durée de poussage, je vais ainsi terminer la descente du deuxième pic et entamer la montée du troisième.
Souvent je serre les dents…
Martial, son frère et sa mère vont m’accompagner un moment, eux ils vont aux champs travailler. Martial va m’aider sur quelques centaines de mètres, là c’est « la curva del diablo » (le virage du diable)…
Mais Martial ne connaissant pas l’astuce de freiner pour retenir, il va vite, moi ça me va, mais l’autre mamita ne suit plus, je vais donc reprendre rapidement les rennes de mon vélo…
A 10 heures, cela fait deux heures que je retiens, surgit un restaurant, je ne sais quand j’en retrouverai un autre ( et bien pas de la journée), je mange riz, pommes de terre, viande dure de chez dure, je m’abstiens de boire la boisson maison et bois mon eau minérale. Je reprends la route. La matinée va m’offrir
deux averses de une heure chacune, des pluies normales, bien de chez nous. Rien ne m’arrête, je continue. A plusieurs reprises je tente de monter sur mon vélo, mais je ne peux…
J’ai vraiment l’impression que je vais tomber, je manque d’équilibre, en plus j’ai eu la bonne mauvaise idée de réorganiser mes bagages, tout le matériel de montagne je l’ai mis dans un sac qui va sur le porte-bagages, laissant ainsi plus de place dans les sacoches pour les affaires dont je me sers tous les jours, oui, sauf que j’ai déplacé le poids, avec plus de poids en hauteur, ce qui bien sûr déplace mon centre de gravité et risque de me faire chuter. Je ne prends aucun risque, je sais qu’avec mon bras handicapé une chute me serait fatale… Une fois toute l’eau de mes gourdes avalées, je vais avoir soif, non parce que je manque
d’eau mais m’arrêter me pose beaucoup de difficultés à cause de mon bras, je dois passer de l’autre coté du vélo pour mettre la béquille et c’est tout un problème.
Malgré ces difficultés je n’oublie pas de faire provision de Kdo (j’écris en langue ado , espérant qu’il comprenne…) pour Julien…
Un camion que je laisse passer va discuter un peu avec moi, il me donne des renseignements sur la route, je vais avoir un morceau de goudronné dans les prochains jours et après la piste serait meilleure… Je ne sais ce que valent
ses renseignements car il m’a aussi conseillé de dormir à Puenta Pampas, il y aurait même l’électricité, et après il n’y aurait plus de village pendant longtemps… Oui, sauf qu’à Puente Pampas il y a une dizaine de maisons et pas de place pour une autre ni même pour une petite tente, je ne demanderai même pas.
Je continue courageusement quand je me fais doubler par deux vélos couchés, deux belges, Laurie et Julien qui parlent français » Vous êtes la française qui traverse seule l’Amérique du Sud ? » « Oui je suis » Bin ça alors je ne savais pas que ma réputation, était allé jusqu’en Belgique… En fait ils ont entendu parler de moi à la Casa de Ciclista de Trujillo et comme j’ai laissé une photo dans le livre d’or ils m’ont reconnue.
Ils vont à Ushuaïa, ils sont jeunes, donc leur temps est limité, donc les parties trop difficiles ou quand il fait trop mauvais temps ils les font en bus ou en stop.
Pourquoi je ne prends pas un bus moi ? Dans l’état où je suis… Parce moi je suis du genre butée et acharnée… Nous parlons un long moment, ils ont l’intention de dépasser Puente Pampas et de s’avancer pour demain (bin oui, l’ascension du troisième pic), moi aussi j’aimerai bien, mais arrivée au rio j’en ai assez, cela fait
six heures que je retiens, j’ai mal à la main, j’ai mal aux pieds (chaussures neuves, j’ai soif et je commence quand même à être fatiguée… Ils pensent mettre dix jours pour atteindre Cusco (deux jours par pic) moi je pense mettre 15 jours (3 jours par pic), n’oubliez pas que les pics peuvent dépasser les 4500 mètres et que l’on redescend jusqu’à 2000, où je suis ce soir, et je crève de chaud… Mais ça ne me dérange pas. Julien et Laurie se sont pris la grêle sur l’altiplano-pampa… Ils y ont aussi dormi.
Le paysage retourne au spectaculaire…
Certains arbres ressemblent à de petits vieux à longue barbe…
L’état de mon épaule ne m’empêche qu’à moitié de profiter de ce paysage…
En revanche c’est dur de profiter de la route…
Qui reste quand même magique…
Comme dans tous les canyons je vais rencontrer une jolie maison fleurie
A propos de fleurs j’ai vu que les pommes de terre étaient bien sorties.
Comme toujours le rio me fascine…
Là il a fait des fantaisies, il a fabriqué une vallée verdoyante suspendue…
Comme je l’ai dit je n’ai pas vu de place où planter ma tente à Puente Pampas…
Je m’engage dans un canyon, je me sens partie pour un galère, en plus je commence à remonter le rio.
C’est dur, je resserre les dents mais y arrive (en poussant), je crois que pour l’instant il ne faut pas compter pédaler, à moins de trouver du goudron plat, ce qui dans ce pays n’existe que sur les places de villages (au Vénézuela même
les places sont en pente raide…). Je sors vite de ce canyon, un endroit plat et isolé me tente à moitié, je passe, un peu plus loin une maison en construction, je demande aux ouvriers, ils me conseillent d’aller à la « vuelta », il y a un village,
ouf ce n’est pas la « vueltita »… Avant le village un hameau. Je demande, il y aurait un hôtel à un village à une demi-heure, une demi-heure de quoi ? Non moi je n’en peux plus, j’avoue ma faiblesse, mon bras cassé.. Les enfants (sur conseil des parents) vont me conduire à une paillote d’une femme qui ne vient
ici que très rarement.
Les enfants sont ravis de m’aider à tout transporter…
Y compris le vélo à cause des épines…
Puis ils vont à nouveau tenter de m’apprendre du Quetchua, ils ne le parlent plus couramment mais sont très fiers des mots qu’ils connaissent… Je pense que la génération suivante ne parlera plus le quetchua, c’est peut-être triste ou
peut-être pas, c’est comme cela que se fait un pays, et le Pérou est encore en construction… Pour l’anglais les connaissances sont très limitées… Compter jusqu’à 10, bonjour, bonsoir, pas plus… Ouf il y a pire que les français…
J’allais oublier, que se passe-t-il quand on descend ? Oui, on gagne des degrés, mais encore ? Les bêtes piqueuses, là c’est une autre race, elles volent plus haut, n’ayant pu m’attaquer les jambes qui étaient couvertes, elles se sont attaquées à ? La paume de ma main, vrai de vrai, même les enfants n’ont jamais vu ça…
Je m’ouvre trois fois le crâne sur des bambous acérés qui dépassent du toit de la case où je ne vais pas planter ma tente, le pilier central limitant la place… Quand même je suis très bien, sauf mon épaule qui me gêne beaucoup pour faire tous les petits gestes de la vie sous tente, merci les enfants de m’avoir aidée, et au passage je vais faire breveter mon invention pour ma tente, c’est génial, je la monte maintenant sans effort…
Bisous tout le monde…
En somme, c’est une journée normale qui reprend son cours.
Mille bises à toi Soeur Courage
Oui, je crois que je suis vraiment une soeur courage… Bisous frère de douleurs…
La paillote : j’ai cru que tu allais dormir a l’intérieur ! Non c’est pour le vélo. Mais tu aurais pu y dormir !… Parfois tes descriptions me font penser a l’aventure étonnante d’Alexandra David-Neel. » Bondissant sans cesse en avant, sans cesse en mouvement, même quand on la croit immobilisée …. » !